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Havana Club - Chucker
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Havana Club - Chucker EmptySam 14 Mar - 15:19


Chucker // Havana Club.


Je suis tiré de mon sommeil par mon réveil. Ouais, maintenant je prends la peine d'activer ce truc et je n'attends plus qu'un autre élément vienne perturber mes rêves. Le début de la maturité diront certains, ou simplement ai-je trouvé une bonne raison de ne plus glander au lit. Taylor proteste dans son coin et tire toute la couette sur elle tandis que je m'extirpe des draps et que j'éteins l'alarme perçante. Malgré les épais rideau, je perçois la lumière éclatante du soleil californien. J'entends aussi le moteur de la tondeuse du jardinier qui est déjà à l’œuvre. Car, oui, n'allez pas vous faire trop d'idées, il n'est pas si tôt que ça, je n'en suis pas au point de me lever aux aurores. Pour ça, je n'ai pas encore trouvé LA raison valable. Il ne faut pas déconner non plus, huit heure c'est correct. Je ne suis pas un travailleur, juste la personne qui file le pognon, hé. Une fois dans le couloir, je dois me couvrir les yeux de mon avant bras. Ouais, cette lumière est aveuglante, agressive, comme si elle tentait de forcer le passage à travers toutes les cellules de mon corps. Comme pour que je n'oublie pas où je suis, que j'ai quitté ma mère patrie. La Californie, la chaleur, le sable, les filles en bikinis et ce putain de soleil. Qui me suit au moindre de mes pas jusqu'à la cuisine avec toutes ces baies vitrées. Sur l’îlot central, je retrouve mon téléphone portable – oui, parce qu'il paraît que ce n'est pas bon de l'avoir près du lit, pour les ondes, tout ça. Trois appels manqués, trois messages. Tous de ma mère. Je me passe une main sur la tronche tout en appelant mon répondeur, me demandant ce que mon cousin a encore inventé pour faire son intéressant, ou ce que j'ai bien pu oublier, comme l'anniversaire de ma mère... Wait. Anniversaire. 11 mars. Hé ! Mais c'est le mien ! Je raccroche à la gueule de la bonnasse du répondeur sachant pertinemment ce qui m'y attend et appelle de suite madame Morgan en lançant la machine à expresso.

La conversation s'éternise au point que je trouve même le temps de dévorer mon bol de céréales devant une rediffusion d'American Dad. «Il faut vraiment que j'y aille, là, je dois me préparer.» Que je lance dans un énième soupir. J'aime ma mère, mais elle a la fâcheuse manie de parler pour ne rien dire. Mais vraiment, rien. « D'accord, d'accord. » Je fronde les sourcils vu sa rapidité à abdiquer. Ça ne lui ressemble pas. « C'est vraiment triste que tu sois aussi loin. J'avais pris l'habitude de te chouchouter ce jour-là. » Une horrible sensation me prend aux tripes subitement et je fais volte-face vers l'entrée, appréhendant de l'y voir. Mais non, ouf ! «Je passerai dans la semaine si j'ai le temps. Ou sinon on parlera sur skype ?» Je souris car je sais très bien qu'elle ne s'est pas adaptée à l'arrivée d'internet, bon point pour moi. Cependant, l'angoisse ne m'a pas quitté. Car oui, elle a pris l'habitude de m'envahir pour mes anniversaires, et pas qu'un peu. Elle m'amenait le petit déjeuner au lit, même une fois que j'avais quitté le domicile parental. Puis restait avec moi, pensant me bichonner alors qu'elle ne faisait que m'envahir. J'ai bien compris qu'elle célèbre surtout les heures qu'elle a passé à souffrir pour me faire sortir de son corps et non ma venue au monde en elle-même. Alors qu'elle baisse aussi facilement les bras, qu'elle accepte de me savoir à plus de 1000 miles d'elle... La douche que je prends ne m’apaise pas. « Tu comptes rentrer vers quelle heure ? » Que me demande Taylor alors que je  m'apprête à sortir de la maison. «J'en ai pas la moindre idée. Pourquoi ?» « Oh, comme ça. » Elle hausse simplement les épaules et esquisse un sourire. Jusque là, elle n'a pas fait la moindre allusion à mon anniversaire, ce que je n'avais pas relevé. Après tout, je serais incapable de dire si elle le sait, si je lui en ai parlé ne serait-ce qu'une seule fois. Mais là, je deviens paranoïaque. T est du genre à se mettre en avant, par tous les moyens, à vouloir organiser des soirées même pour célébrer l'hystérectomie de l'une de ses amies... Mon sang se glace dans mes veines. Et si elles étaient de mèche ? Je fuis la maison et m'échappe vers le centre de Los Angeles.

Qu'on ne se méprenne pas. J'aime faire la fête, et je n'ai aucun problème à l'idée de souffler une bougie de plus. La trentaine, quand on a un compte en banque bien rempli, c'est franchement le dernier de nos soucis. Même que j'avais pour habitude de le fêter à en boire jusqu'à plus soif. Le problème n'est pas là. Une fête surprise organisée par les femmes de ma vie, là, c'est terrifiant. Je vois déjà le papier crépon, un orchestre de musiciens avec un balais dans le cul, des gens bien apprêtés – que je ne connaîtrais pas – qui ne pensent qu'à comparer leur baraque avec la mienne... Non, NON ! C'est la mâchoire crispée que j'entre dans les locaux de YOLO, mon nouveau refuge. Je pousse un long soupir de soulagement et savoure le reste d'odeur de peinture fraîche qui plane encore dans l'air. Je ne croise personne dans les couloirs et lorsque je passe devant le bureau d'Isla je l'entends en pleine conversation téléphonique. Je file à la machine à café où je retrouve … Roy. Je me fige l'espace de quelques secondes et hésite à faire demi-tour, seulement c'est trop tard, il m'a vu. « Hé ! » Que je lâche d'une voix étranglée. Lui ne lâche pas un mot et ne me lâche pas non plus des yeux. Je tends une main légèrement tremblante vers la machine, y glisse ma pièce et appuie sur une touche. La tension est palpable, c'est comme être en présence d'un grand fauve et de savoir qu'on peut se faire bouffer à tout moment. Chaque seconde qui passe semble durer une éternité et je suis tenté de cogner sur la machine pour accélérer le déversement du café puis je sens une goutte de sueur perler sur mon front alors que je récupère mon gobelet brûlant. Heureusement Parker se joint à nous. « Hé ! » Cette fois je le sors d'un ton beaucoup plus léger même si mon instinct me dit que le danger ne s'est pas éloigné. « Y'avait un colis ce matin. » Que Roy finit par lâcher de sa voix grave. Je me tourne touuuut doucement vers lui et souris nerveusement quand je réalise que c'est à moi qu'il s'adresse. Il attrape un carton posé sur la table, contre le mur, et me le tend. Je le prends, encore tout tremblant et constate qu'il est éventré. « Bon anniversaire. » Qu'il articule bien lentement avant de s'en aller. Dans le polystyrène je trouve un pot de confiture fait maison, une petite peluche ridicule et une carte.

Bon anniversaire mon Chuckie. A très vite,
Maman.


A très vite... A TRÈS VITE, bordel. Ça confirme mes soupçons. Je pose le carton, mon gobelet et me prends la tête dans les mains. « Ça va virer au cauchemar, je le sens. » Je plonge un regard las dans celui de Parker. Je me sens comme pris au piège, comme un condamné à mort qui attend ses geôliers pour aller affronter l'injection létale. « Ça devrait être MA journée, merde, je devrais pouvoir faire ce que je veux et non pas attendre que ça me tombe dessus. » Je récupère mon café et le bois, la mine sombre. Je pensais être à présent maître de ma vie, pouvoir faire tout ce qui me chantait, pouvoir fuir tout ce qui m'était pénible et... wait ! WAIT ! Je peux le faire, ça. Fuir. Fuir très loin, même. Rien ne m'en empêche, après tout. Ce n'est pas comme si j'avais des plans pour la journée, comme si je m'étais engagé à quoi que ce soit ! « Mexico. » Je relève un regard cette fois empli d'espoir. « Non, Cuba ! Avec sa musique, ses cigares, sa rumba !  » J'esquisse quelques pas, mais je suis bien loin de pouvoir participer à Dancing with the Stars. « Ça te dirait des cuba libre ? »



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Parker H. Bernstein
Parker H. Bernstein
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Emploi : Photographe, directeur artistique chez YOLO le magazine de mode tout beau tout neuf et joyau intermittent du corps enseignant de LMU.
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Havana Club - Chucker EmptyDim 5 Avr - 19:42


Chucker // Havana Club.


J'avais un terrible besoin de café.

D'abord, parce que je n'en avais pas encore eu. En rentrant chez moi hier soir, je m'étais retrouvé comme un con devant la porte de mon appartement et sa serrure qui refusait ma clé. Vaguement tracassé par le devenir de mon propre territoire qui semblait s'effriter de jours en jours, je m'étais résigné à poser mon doigt sur la sonnette et à patienter, bien faible, jusqu'à ce que j'entende des pas derrière la cloison et la porte se déverrouiller de l'intérieur. Quand celle-ci s'était ouverte devant moi, bougon, et que mon regard s'était posé sur la pièce de deux mètres et des broutilles, les pecs saillants et les épaules larges comme le cul de la ménagère moyenne sur fauteuil motorisé de chez Walmart qui me faisait face, l'inquiétude quant à mon statut de dominant s'était évaporée en un claquement de doigts. Un non sens, vous me direz - mais il faut prendre en compte d'autres variables que la simple proéminence du grand pectoral du gaillard. Le soutien-gorge qui le délimitait, par exemple. À strass, plumes et froufrous, je m'étais surpris à guetter le morceau de dentelles qui compléterait si bien la chose, avant qu'un haut-le-coeur ne pousse mes pupilles à se lever - très, très haut - et à se planter dans celles du... de la... bref, à se planter dans celles de l'autre. Faux cils, fard à paupière à paillette, sourcils parfaits. Ca non plus, ça ne mettait pas à mal ma fierté, pas plus que le corset en satin plus bas qui serrait une taille inexistante, le morceau de duct tape que je voyais dépasser du haut de son collant et qui me fit frémir à l'idée de ce qu'il avait pour vocation de compresser, et encore moins les monstrueux talons sur lesquels l'énergumène était perché et que même une Sasha Grey ou une Jenna Jameson n'aurait su dompter. Par contre, je perdais sur d'autres terrains - la capacité à respirer correctement, par exemple. « T'es la p'tite nouvelle de nos pouliches ? » qu'il, qu'elle, qu'on m'avait demandé, le regard qui me toisait avec application, jusqu'à ce que le rajout d'un qualificatif à mon égard et un sifflement terrible m'achève. J'avais beuglé le prénom de ma cousine, parce que ouais, y'avait qu'elle pour côtoyer ça, et le temps que je lui intime en allemand de rappliquer vite fait avant que l'autre n'ait le temps de poser ses griffes roses et pailletées sur moi, elle était déjà là, crochait son bras autour de ma nuque et m'entraînait dans mon chez-moi - enfin, aux dernières nouvelles. Sloan, les pupilles éclatées et qui fleurait bon le Dim de fin de soirée, avait hélé Lady Bunny, Miracle Monroe, Devine Tension - et d'autres, mais j'avais fermé les écoutilles - avant de bien vite m'abandonner au milieu de l'arène de drag queens qui évoluaient dans les lieux et elle avait disparu je ne sais où, sans que j'aie eu le temps de poser des questions qui, si, désolé, me turlupinaient encore. J'avais fini par prendre une grande inspiration, sourire faiblement aux onze pairs de faux cils qui me bouffaient et j'avais filé vers la cuisine, en quête d'un bonus de courage dans le bas du frigo. Mais des trucs en jelly y obstruaient l'accès à l'alcool et, quand, du bout du doigt, j'avais compris qu'il s'agissait de bonnets D et E, j'avais bondi en arrière, claqué la porte et j'avais filé vers la salle de bains. Me frayant un chemin entre les postérieurs cambrés devant le miroir, j'avais attrapé la brosse à dents qui dépassait à peine des piles de poudres et mascaras, j'avais évité le regard du mi-dude qui appliquait du concealer sur sa moustache à ma droite et j'avais posé un baiser sur la joue de Sloan qui, elle, s'appliquait à s'en dessiner une belle, une à la Magnum, vous voyez, à ma gauche. Et là-dessus, j'avais filé faire valoir mon droit d'asile au QG du Muffin Resort, la brosse à dents en main et l'air de celui à qui il ne faut pas poser de questions en traits. Là, ça s'était calmé. Même que je n'y avais pas trop rêvé et que je ne m'étais réveillé qu'une fois en sursaut au milieu de la nuit pour vérifier, la main tremblante, que les cheveux blonds qui dépassaient des draps n'étaient pas ceux d'une perruque qui couvre un crâne presque chauve. Tout allait bien, donc. Jusqu'au petit matin, où, au réveil, je m'étais retrouvé face à un dilemme cornélien, à peine étais-je sorti dans le couloir : l'Isla qui tendait la main vers ce que je devinais être la dernière capsule de café de la boîte en carton froissée sur le comptoir de la cuisine, et le Jaime qui jetait un linge de bain sur son épaule, en passant lentement derrière elle pour ne pas renverser le panier en osier rempli de produits capillaires et monuments londoniens en plastique qu'il tenait à bout de bras - fallait pas risquer de plier le London Eye, quand même. J'avais figé, mordu ma lèvre, peser les pours et les contres, je m'étais souvenu qu'Isla se montrait aussi hargneuse que moi pour une goutte de café et je m'étais aussi souvenu des putain de millions de minutes qu'il fallait à Jaime pour prendre sa douche, j'avais froncé le nez de douleur et d'injustice, j'avais baissé les yeux vers ma montre, vers Muffin qui me défiait du regard d'aller détrousser sa maîtresse de son kick du matin, et puis, j'avais coupé la route à Jaime in extremis. Réfugié, abandonné dans la salle de bains, j'avais refermé la porte derrière moi et sur mon craving de café au même moment où j'entendais l'Anglais hurler à l'aide parce que son Big Ben au seizième qui crachait de l'eau basculait dangereusement.

Ensuite, parce que martyriser Davis à jeun de caféine, c'était pas franchement efficace. Je l'avais gagné pour la semaine à la partie de Uno endiablée de l'autre soirée qui, long story short, m'avait aussi valu d'accrocher un sent-bon rose flashy en forme de coeur au rétroviseur de ma caisse, mais j'avais l'amer sentiment que je ne profitais pas pleinement de ma main-mise sur l'assistant de direction. « Voilà. Ensuite ? » Je lève les yeux du tas de paperasse qu'il est venu m'apporter il y a cinq minutes, quand j'ai passé l'accueil de YOLO - l'enfin, l'improbable magazine - juste avant que je ne lui ordonne de partir se déguiser en fée pour la journée, cuz I can ; je lève les yeux, donc, et détaille le tutu, puis les ailes, puis le diadème puis la baguette qu'il a coincé contre sa hanche. Il serre son agenda de petit merdeux entre ses mains et me dévisage, même pas l'air blasé, alors que je lâche mon stylo et que je bascule sur ma chaise, les sourcils froncés et les yeux grand ouverts, la bouche, aussi. C'était censé lui prendre la matinée, au moins. La matinée, son énergie et quelques larmes, ça, c'était la cerise sur le gâteau. Mais il est là, fringant, grimé et impassible, ses p'tites ailes battant encore un peu l'air. Je percute dix secondes d'intense suspicion plus tard, je me souviens des photos qu'on a fait des employés pour présenter l'équipe, de la paille beaucoup plus courte piochée par Davis par le plus grand et pur des hasards, de Chuck high as a knite qui pointe le doigt vers la fée Clochette pendant qu'on déambulait dans le rayon des costumes et de tout le monde qui se met à se marrer quand the Davis Fairy ressort toute pimpante des toilettes pour hommes en ailes, collants et jupon à froufrous. Ouais, c'était marrant. Mais c'était il y a deux semaines, déjà. Fuck it. « Meh. » C'est pas comme s'il y avait grand chose d'autre à dire, hein. Je viens frotter mon visage d'une main las, fatiguée, déçue. Il feuillette l'agenda. Je soupire. « Bon, bah, j'sais pas, moi. T'as pas un... » Un, deux, trois... Non, rien ne me vient. Sinon le bruit de la machine à café qui s'enclenche, au loin, depuis la cafétéria. Je plisse les yeux. J'ai fait un détour par là avant de venir ici, vous pensez bien, mais j'avais figé en entendant Roy renifler bruyamment derrière la porte fermée et j'avais fait demi tour, direct. Envoyer Davis à ma place ? Ca paraissait approprié, mais j'étais pas con, et tant que les caméras de surveillance ne seraient pas opérationnelles, jamais je ne le laisserai trois secondes hors de mon champs de vision avec un truc que je mettrai dans ma bouche d'une quelconque manière ensuite. J'l'avais bien vu, moi, son petit rictus, l'autre fois, quand il a servi un jus de fruit à Isla et qu'elle s'est extasiée du petit goût particulier qu'il avait. On me tromperait pas. Je vrille mes pupilles sur lui, il attend, je me lève, lui intime de me suivre. Bon. Peut-être que, si je trouvais pas l'inspiration en cours de route, je la trouverai au fond d'une tasse, et puis, il pourra distraire Roy, tiens. Quoique déguisé de la sorte... Well... Je jette un dernier coup d'oeil à mon bureau, au cas où. Tant pis.

Mais quand j'aperçois Chuck quand je poussotte précautionneusement la porte de la salle, je suis soulagé d'un poids certain : s'il était là et que Roy y était encore, ce qui était évident puisque Roy était toujours là, ce dernier n'accordera pas un regard à son frangin. Puis, ça faisait un témoin, aussi, 'voyez ? J'exulte ma fatigue et les conneries qui me passent en tête quand je réponds à l'apostrophe du Canadien et que je file droit sur la machine, le mug et la pièce en main. Je suis trop ému par les premières gouttes d'or brun qui s'écoulent pour faire gaffe à ce qui se passe autour de moi, mais quand un vent de Roy me monte au nez, à la tête et à mes poils qui se hérissent, je cligne des yeux, juste à temps pour l'entendre susurrer un bon anniversaire à Chuck et le voir s'éloigner, l'oeil dur, son cure-dent qui passe d'un coin de sa bouche à l'autre. Je reste immobile, le temps qu'il disparaisse du décor - j'ai grandi dans les montagnes, tout ça, j'sais ce qu'il faut faire face aux pumas et tout - avant que mes traits ne se détendent clairement et que, mon putain de café finalement en main, je ne rejoigne Chuck à la table où il est accoudé. « Hey, j'savais pas! Bon anniversaire. » Je tape brièvement son épaule avant de tendre la main vers Davis, dans le coin, sans y jeter un regard. Un claquement de doigts plus tard, il se met à fredonner, un autre, plus fort, il hausse la voix et chante bien audiblement. Mais Chuck relève la tête, las, terrifié, souffreteux - je hausse un sourcil, les fronce en jetant un regard autoritaire à Davis. Il se met à danser de suite, chante plus fort, mais non, non, rien n'y fait, pire, Chuck se prend la tête entre les mains. J'avale une gorgée de café, convaincu de rater un truc de taille, plisse les yeux, passe à travers le carton, attrape la peluche, la tâte, suspecte la présence d'un message morbide de Roy- non, j'vois pas. Mais Chuck se redresse brusquement, trop brusquement - Davis se jette déjà sur moi, serviette en main, et sur ma jambe partiellement échaudée avant qu'il ne fige de lui-même et qu'il ne recule tout, tout doucement, sans oser se confronter à mon regard exorbité. Je le suis du regard jusqu'à ce qu'il aille se cacher derrière la fougère, là, et puis, je reporte mon attention sur le porte-feuilles - à rouler, hein - sur pattes qui semble bien moins abattu. « Des cuba libre... Dude, j'veux bien, mais il n'est pas 11 heures et on... » Je le regarde, il me regarde. Je plisse les yeux, il danse. Je vide ma tasse, il danse très mal. Deux pirouettes et le premier kick de la caféine plus tard, un oooh silencieux se forme sur mes lèvres, avant qu'elles ne s'étirent dans un sourire. That Cuba.


*****

« Et c'est... Craiiig ! » Le dit Craig se lève, les bras en l'air. On applaudit. Sans un bruit. Les paumes s'arrêtent à deux centimètres les unes des autres, on veille au grain - la cruche qui a jugé bon féliciter à vive voix le gagnant de la manche précédente s'est vue biffée direct de la liste des potentiels cubanos avant même qu'elle ne puisse se soumettre aux sélections et elle est ressortie du stock de fringues où on est tous planqués en reniflant bruyamment, son bikini qui traînait tristement au sol. Chuck s'affaire à vider les hippopotames gloutons de leurs billes, le perdant de la manche se retire l'air maussade - on était même pas sûrs qu'il bossait vraiment chez nous, anyway - et moi, je continue de farfouiller à travers les cintres du shooting de l'autre jour, tout en enchaînant, dans un murmure. « C'est à qui, maintenant ? » Y'a l'autre, là, la tronche de cake qui n'a fait que pianoter sur son téléphone depuis qu'on l'a arraché à son boulot en douce, qui se fait pousser au milieu des 11m² de notre arène par les derniers vaincus - Jay. Bien. Coup d'oeil circulaire, je cherche celui qui a plutôt intérêt à le mettre hors jeu, mais avant que je n'aie le temps de le trouver, voilà Davis qui s'avance, tout sourire. « J'peux jouer si vous... » Chuck se tend, d'un coup. J'le sais, parce que j'ai mes mains sur ses épaules, une des chemises à fleur que j'ai sorties du stock entre nous, à voir si celle-ci flattera son teint. Je le sais aussi parce que j'ai exactement la même réaction. « Putain, mais qu'est-ce que tu fous là ?! » Lui hurler dessus en chuchotant, c'est pas fameux - mais faut croire que ça a son petit effet, parce qu'il en fait tomber sa baguette de fée et qu'il arrête de respirer. « T'as pas besoin de participer en plus, tu viens d'office. Faudra quelqu'un pour porter les bagages, et tout... » J'acquiesce, juste parce que c'est Chuck qui le dit et que, ouais, voilà. « Tu retournes tout de suite surveiller la porte ! Si Roy nous trouve, j'te jure que t'es vi... » « ... qu'on prolonge ton contract de travail de trois mois. » Il vire blême, direct. Je secoue la tête de haut en bas avec virulence. Ouais, Chuck, c'est la tête pensante. Vraiment. Davis ressort de la réserve au pas de course, ses ailes virevoltant dans tous les sens, on pousse tous un gros soupir de soulagement quand la porte se referme derrière lui - sauf Jay, lui, il soupire pour soupirer. Petit con. Je retourne à la recherche d'un challenger, croche sur le bigleux qui sue à grosses gouttes dans le coin juste parce qu'il est entouré de gens et, pire, de filles - ouais, lui, il avait bien le profil pour être un as des jeux de sociétés. Je lui fais signe, il s'installe, la manche commence et, le temps que je fasse un demi tour sur moi-même pour reposer la chemise trop criarde à sa place et que j'en décroche une autre du rail, c'est déjà fini. « Et c'eeest... Oh. Jay. » Fuck. Le bigleux se retire, l'air défait, je le regarde faire, encore plus défait - je décroche toutefois un sourire quand je remarque que la nouvelle chemise que j'ai collé sur Chuck lui sied parfaitement, finalement, un sourire qui s'éclate un peu plus encore quand ce dernier déclare qu'on a l'air au complet, un coup d'oeil vers moi. Je tape son poing quand il le tend - tout, tout doucement -, lui file la chemise muy festive et jette un coup d'oeil aux petits chanceux du jour. « Tout le monde se dissipe dès qu'on passe la porte. On se retrouve en bas dans 15 minutes. Compris ? » Ils acquiescent, on hoche la tête, et on file de là les premiers.



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Havana Club - Chucker EmptyVen 24 Avr - 23:45


Chucker // Havana Club.


C'est probablement pas correct, on doit enfreindre un bon nombre de règles, les droits de nos employés fraîchement embauchés sont certainement bafoués mais on n'a pas pris le temps de consulter l'avocat. Non seulement parce que c'est chiant, que ce serait une grande perte de temps, qu'il nous ferait nous remettre en question, nous jetterait des regards noirs, claquerait sa langue de réprobation, se demanderait ce qu'il lui a pris d'accepter de bosser pour nous, mais surtout parce que, ouais, on n'a vraiment pas le temps. L'idée de prendre des sous-fifres avec nous a finalement compliqué la chose, car ils sont nombreux, vraiment nombreux. Je n'avais pas réalisé qu'on employait autant de monde, damn. Donc un concours s'était imposé, pour les départager, pour qu'on emmène la crème de la crème avec nous, 'voyez, qu'ils méritent leur place dans le jet avec leur sueur, leur mental. Les hippos gloutons sont la seule chose qu'on a trouvé mais ça passe. Un jeu de dextérité et de rapidité qui montre leur appétit pour Cuba. On s'était réfugié loin des regards non désirés, surtout celui de Roy, l'homme qui pourrait faire de ce voyage un cauchemar, qui apporterait au vol une trop grosse ressemblance avec Les ailes de l'enfer avec sa carrure d'ex taulard. Comme pour les marins qui ne veulent pas de lapin sur leur navire, je ne veux certainement pas de lui dans le jet. On s'était planqué aussi par rapport à Isla, parce que je me souviens très bien l'avoir entendue dire que son roquet s'était fait les canines sur son passeport et que donc ça serait déplacé de lui étaler notre projet à la gueule sachant qu'elle ne pourrait pas se joindre à nous. Il faudra probablement l'avertir à un moment ou à un autre, mais là encore, pas le temps, on verrait ça plus tard. De préférence quand on sera déjà loin parce que, elle a beau être petite, elle arrive à me foutre la trouille avec ses grands yeux quand elle s'y met, sans oublier qu'une femme en colère c'est super imprévisible. Taylor a déjà défoncé le cadre de mon poster de Star Wars juste parce qu'elle estimait que je ne lui prêtais pas assez d'attention. C'était un collector, dédicacé par R2D2, merde ! Bref, on s'était terré dans un endroit stratégique qui nous évite le shopping de dernière minute à la sortie de l'aéroport et on vient de déterminer la liste de passagers. Qui n'est pas forcément à notre goût... Tucker n'a pas été à la hauteur et on va devoir se payer celui qui tire tout le temps une tronche de deux mètres de long. « Ouais, on a peut-être mal joué notre coup, au fond. » Que je lâche à Parker alors qu'on s'installe dans la limousine que j'ai louée pour l'occasion – je fais les choses bien, hein ? Et je dis ça surtout parce que je viens de voir Jay par la vitre teintée, mains dans les poches, le regard mort. Le mec vient de gagner une place pour Cuba, mais non, un sourire c'est trop lui demander. L'impartialité ça peut être une super connerie si on y regarde de plus près. Ce type va nous faire chier, je le sens et ça me gonfle. Heureusement les autres finissent par arriver à leur tour et c'est plus optimiste que je les joins dans l'excitation de notre virée après un dernier regard vers YOLO pour m'assurer qu'il n'y a pas un indésirable de plus à nous suivre.

*****


La descente du bus est clairement joviale. Je nous y vois déjà, des cocktails à la main, vêtus de nos superbes tenues de vacanciers improvisés, le soleil cubain chauffant notre peau – non pas que j'ai à me plaindre du californien, mais c'est tout de suite plus exotique. Pour l'instant ils s'agitent dans tous les sens, s'extasient devant le jet, se donnent des coups de poing sur le bras... Sauf Jay, qui bougonne pour je ne sais trop quelle raison. Fragile comme il a l'air d'être, il va probablement vomir à la première secousse avant de prendre le résultat en photo et de le poster sur instagram avec le filtre le plus barbant qui soit. « Doucement les enfants. » Non, je ne me la pète même pas, ça ne me viendrait jamais à l'idée car je m'extasie comme eux, encore. Quand ce tas de pognon est arrivé sur mon compte, j'ai eu peur de devenir blasé de tout, de trouver le luxe normal et sans saveur particulière, cependant je suis heureux de constater que ce n'est toujours pas le cas. J'ai plutôt le sentiment d'être un gamin oublié dans un magasin de jouets, ou peut-être une femme de footballer lâchée chez Vuitton avec la carte gold de son mari. Un jet, putain ! Je n'aurais jamais osé en rêver. Tout comme je ne me serais jamais imaginé pété de tunes en fait. Ni avec une miss. Non, là je devrais être collé derrière un comptoir à servir des cafés à des costumes-cravates taciturnes, à envisager de cracher dans un ou deux gobelets pour la forme. Puis, ma journée finie, j'irais me terrer à la coloc, scotché dans le canapé, le bang dans les mains. Au lieu de ça, sur un coup de tête, on file à l'étranger. L'étranger bordel ! Il y a quelques années j'avais simplement franchi la frontière pour les US, et encore, ça se comptait sur les doigts de la main. Donc, ouais, je sourie comme un con et donne une bonne tape dans le dos de Parker qui vient de se prendre en photo devant l'avion avec son téléphone. « C'est au cas où il t'arrive quelque chose ? Histoire que les gens sachent que ce sera de ma faute, c'est ça ? » Et j'éclate de rire, pris par l'euphorie tandis que j'observe la limousine s'éloigner.

« On est prêt à décoller M. Morgan. » À ça non plus je ne m'habitue pas et j'en grimace presque. On me balance des Monsieur à tout bout de champ alors qu'avant j'avais généralement le droit à ''ouais, toi, là'' tellement j'étais insignifiant. Mais ça, c'était avant que je devienne un compte bancaire sur pattes, là, étrangement, on se souvient de mon nom et, surtout, on m'adore. Je suis invité à des soirées où je n'ai honnêtement rien à y faire, j'ai un tas de prétendus amis aussi sauf que je repère l'appelle du dollar dans leurs yeux. Ils attendent tous quelque chose de moi, de mon porte-feuilles. Les discussions sont basiques, flatteuses et clairement hypocrites. C'est là qu'a été la différence avec Parker et Isla. Ils sont tombés sur moi par pur hasard, ne savaient pas qui j'étais, ce que je représentais réellement. On a sympathisé, ils m'ont parlé de la raison de leur venue à Amsterdam, celle de décompresser plus que tout, puis de leur projet. Et c'est là que je me suis proposé, parce qu'ils ne m'ont rien demandé, parce que je savais que j'avais réellement trouvé des potes. La preuve, bien que je ne sois qu'un investisseur, ils m'ont fait une place à YOLO et dans leur vie. Je tape dans mes mains et invite les autres à me suivre dans le jet, guilleret. Je me pose à ma place habituelle, celle la plus proche de la porte, du cockpit et donc des rafraîchissements. Je fais signe à Parker de s'installer en face et je me fige quand je vois les autres nous rejoindre. « Non. » C'est sorti plus sèchement que je ne l'aurais voulu mais je ne me vois clairement pas passer plusieurs heures à côté d'eux. « Vous allez au fond. » Près des chiottes, des charmants bruits de chasses d'eau mais surtout loin. J'affronte leurs mines déconfites. « Parce qu'il faut qu'on parle des trucs de direction, tout ça. » Ça doit être assez chiant pour les repousser, right ? En tout cas ça semble leurs suffire et ils s'éloignent dans l'appareil pour aller s'asseoir autour de l'autre table. Je soupire de soulagement et m'enfonce dans mon siège. « Lequel va nous faire le coup du mal de l'air à ton avis ? » Que je demande à l'autrichien, un grand sourire aux lèvres. « Je mets $50 sur Jay. » Il est tout maigre, tout chétif, ça doit être une petite nature et donc je ne prends pas franchement de risque. Je me marre d'avance alors qu'une jeune femme s'approche de nous. « On devrait y être dans à peu près 5h, monsieur. » « Merci... » Je plisse les yeux pour décrypter le badge sur sa poitrine et surtout pour me concentrer dessus au lieu de fixer le décolleté de son uniforme à peine masqué par son foulard. « ...Linda. » Je la suis du regard tandis qu'elle reprend son poste à l'avant de l'appareil après nous avoir sorti les recommandations de base et son « Veuillez attacher vos ceinture, nous allons décoller. » Je ne me fais pas prier, personne ne rechigne d'ailleurs, probablement grâce aux magnifiques ''yeux'' de l'hôtesse. Puis un bruit de porte se fait entendre. « C'est où qu'on va ? » L’atmosphère change et tout le monde se tait, se crispe, y compris Jay qui ne pousse pas le moindre soupir blasé. Je lève les yeux et croise le regard inquiet de Parker – je dois probablement renvoyer le même, voire encore plus angoissé. Je me penche sur mon siège pour observer le fond de l'appareil et Il est là, sortant des toilettes. « What the... » Je sens ma voix chevrotante, ma gorge est soudainement sèche et je déglutie avec peine. Roy. On est foutu.



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Parker H. Bernstein
Parker H. Bernstein
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Emploi : Photographe, directeur artistique chez YOLO le magazine de mode tout beau tout neuf et joyau intermittent du corps enseignant de LMU.
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Havana Club - Chucker Empty
Havana Club - Chucker EmptyMar 2 Juin - 23:24


Chucker // Havana Club.


Forcément, fallait que ça soit un jet privé. Candidement, je m’étais mis à calculer combien coûterait le trajet par tête de bétail, à peine installé dans la limousine, et de combien on réduirait les primes de fin d’année - si fin d’année il y avait, on ne sait jamais - et pour combien de greluches on trouverait de bonnes excuses pour les virer quand elles commenceront à avoir les toutes aussi bonnes idées de se mettre à pondre des gosses pour rentrer dans nos frais. Et puis, finalement, je m’étais souvenu, encore, que Chuck valait son pesant en lingots d’or et que, non, il ne jonglerait pas entre les billets de première pour les bons, aka nous, et ceux pour un voyage en soute pour les moins bons, aka les autres. Ce n’est arrivé que quand on a posé le pied sur le tarmac de l’aéroport et qu’on n’a vu personne, pas de touristes surexcités et/ou blancs comme des linges, pas de gilets oranges qui les font avancer, pas de connards qui vous coupent le chemin avec leur camionnette de bagages pour aller les balancer sans un pet de délicatesse dans la soute. Non, personne, rien de tout ça, juste un jet, des escaliers molletonnés, deux hôtesses gaulées en haut et un bon p’tit fumet de billets verts qui flottait dans l’air. Alors, j’ai sorti mon portable, j’ai effacé tout trace d’excitation de mon visage parce que faut pas déconner quand même, j’ai tourné le dos à l’appareil et dès que je suis tombé sur mon bon profil, j’ai pris le selfie d’usage et je l’ai balancé sur Internet dans la foulée. C’est Chuck qui me fait redresser le nez quand il commente mon action, je rigole avec lui mais je ne réponds rien, en lui emboîtant le pas ; ça n’aurait rien d’intéressant de lui confier que je suis persuadé que ma mère, où qu’elle puisse se trouver à l’instant, est en train d’actualiser toutes les pages de réseaux sociaux qui me sont affiliées et qu’elle ne perdra pas une seconde pour filer de bon coeur vers mon père pour partager cela avec lui, lui, là, le gaillard que j’ai entendu toute ma vie braguer avec le monde entier parce qu’il avait toujours la cravate la plus soyeuse, le porte-cartes le plus doré, la voiture la plus luxueuse, la baraque la plus cotée, mais qui jamais, jamais, n’avait réussi à avoir le jet le plus privé, et que ça minait tellement que forcément, je n’allais pas louper l’occasion pour glisser un petit coup de pied innocent dans le nid de fourmis. Mais même si je n’y réponds rien, l’hypothèse de Chuck ne manque pas de faire son petit bout de chemin et je baisse à nouveau les yeux vers l’écran de mon téléphone quand je me dis que ça ne serait peut-être pas une mauvaise personne de prévenir deux ou trois personnes que je m’absente. Histoire qu’on arrose mes plantes vertes, qu’on remplisse la gamelle d’eau de Sloan et qu’on vienne lui faire sa balade du matin et du soir, ce genre de trucs, vous voyez.

****

Je me suis demandé à quoi elle servait, l'hôtesse, là, toute pimpante, pas un cheveu qui dépasse du chignon et le sourire diplomatique débloqué seulement au niveau 43 du jeu de la politesse. Est-ce qu'elle allait à se mettre à se trémousser au milieu de l'allée comme à chaque envol d'avion, imageant à la façon d'un pantin désarticulé - ouais, j'la désarticulerais bien, elle - les consignes de sécurité en cas de pépin ? Je ne savais pas, je ne savais même pas non plus si consignes de sécurité il y aurait. À quoi est-ce qu'elles pourraient ressembler, dans notre situation, hein ? En cas de dépressurisation, un masque plaqué or d'oxygène fraîchement importé du Mont Fuji tombera automatiquement à votre portée. Demandez à l'un des petits esclaves rangés dans le compartiment à bagage sous votre siège de le placer sur votre visage. Une fois votre masque ajusté, il vous est possible de jeter le petit africain par le hublot. En cas d'évacuation de l'appareil, suivez le tapis rouge et les flashs de paparazzis automatisés qui vous guideront vers la sortie de secours la plus tendance. Non, je ne savais pas. Et puis, j'ai vu Chuck qui luttait pour garder son regard loin du décolleté plongeant de l'hôtesse, et là, j'ai su. Elle était là pour faire joli, pour filer le petit coup de boost aux lumières délicates de l'appareil, l'harmonie des couleurs de la décoration et au cuir de première qualité des sièges. Et elle était là pour nous dorloter, aussi. Je suis à peine assis dans mon siège que j'ai un verre en main, parfaitement dosé, parfaitement tempéré, parfaitement ciblé, alors que je n'ai pas eu à le demander. Y'a quoi qui vient après la picole ? La question promettait une réponse vachement agréable, mais elle n'a pas le temps d'arriver, puisqu'alors que je fixais le déhanché bien diplomatique de l'autre s'éloigner dans l'allée, mon regard a croisé celui de Jay, puis Craig, puis les autres, installés au fond de l'appareil, et ça m'a refroidi direct. L'intervention de Chuck n'aide pas, en tout cas, pas tout de suite : j'imagine l'un ou l'autre dégueuler partout autour de lui parce que le sac à vomi fourni sur ce type d'appareil doit être en dentelles de St-Gall ou en soie de Chine ou je ne sais pas quoi, et que je me dis que la bouffe qu'on fournit à YOLO n'est peut-être pas assez délicate pour qu'il y résiste. Mais je me dis ensuite que l'hôtesse serait en charge du truc, du coup, et qu'on était pile bien installés pour la voir s'agenouiller et biiiiien se cambrer pour ripoliner le velours de la moquette dans un mouvement de va-et-vient énergique et très très pro, et ça suffit à coller un sourire sur mes lèvres, tandis que je remets ma tête droite et fixe l'associé le plus génial du monde du jour. « J'tiens le pari, j'ai vu Craig lécher une serviette en papier pleine de sauce tartare de la veille en arrivant ce matin. Il aura peut-être pas l'estomac si solide que ça. » Ou alors, au contraire, ça prouve qu'il est le champion, toutes catégories confondues. Merde. J'ferais peut-être mieux de sortir les 50 billets de suite. Mais ça ne me mine même pas. On part à Cuba. L'hôtesse le souligne, le rend encore un peu plus réel, quand elle revient à la hauteur de Chuck et lui annonce notre temps de vol. Je jette un coup d'oeil dehors et m'enfonce un peu plus dans mon siège, un sourire au coin des lèvres quand j'entends le Canadien articuler son prénom avec la bonne tonalité - that's my boy -  et j'écoute à moitié les directives qui, finalement, n'ont rien de bien différentes de n'importe quel autre vol. Y'a que quand je boucle ma ceinture comme les autres que je souligne la première grosse différence, au son d'une voix qui vient tordre mes boyaux : sur un jet privé, l'accès était autorisé, visiblement, aux psychopathes qu'on fusillerait avant même le premier checkpoint en temps normal. Roy. J'veux pas y croire, d'abord, je me dis que la gorgée du verre que j'ai pris n'était peut-être pas si bien dosée que ça au final, ou alors que Linda a foutu un truc dedans pour rendre mon entrée au Mile High Club encore plus cool un peu plus tard, mais non, j'suis bien obligé de me faire une raison, le regard glacé de Chuck me fait virer à l'extrême opposé du fantasme le plus commun du monde et je tourne la tête, moi aussi, lent, tétanisé. Roy. Un journal qu'il replie avant de le caler sous son aisselle que je sens d'ici, une main qui ne remonte qu'à moitié sa braguette pour mieux pouvoir gratouiller l'intérieur de l'index tandis qu'il s'avance vers nous, nous, Chuck et moi, la gueule qui mâchouille un chewing-gum ou Dieu sait quoi, le regard dur, enflammé. Il s'arrête vers nous, mâchouille, gratouille, mâchouille, gratouille, y'a personne qui a osé lui répondre ni même bouger, il mâchouille, il gratouille, et puis il utilise cette même main pour piocher une bonne poignée de cacahuètes dans le bol pourtant si délicat qui avait été posé sur la tablette, entre Chuck et moi, avant de se laisser tomber dans le siège voisin. « J'espère qu'ça va nous prendre quelques heures. On va pouvoir bien discuter, comme ça. » Il crache son chewing gum, le colle derrière son oreille et fourre sa poignée de cacahuètes entière dans sa bouche. J'ose même pas tourner la tête vers Chuck. Peut-être qu'il allait quand même perdre son pari, au final - y'a des chances pour que je sois le premier à tendre le bras en toute hâte vers le réceptacle doublé de plastique signé Versace.

****

Ca n'avait pas été si terrible que ça, au final. Même si chaque centimètre carré de la si belle chemise de vacancier de Chuck avait fini trempé d'angoisse avant même qu'on ait atteint notre altitude de croisière, même si Roy m'avait soufflé dans l'oreille avec sa paille et beaucoup de postillons pour me réveiller quand j'avais lâchement feint de m'assoupir sous le regard paniqué et les coups de pied réprobateurs de Chuck, même si Linda avait battu en retraite et que c'est son collègue bien barbu bien poilu qui avait pris sa relève après que Roy ait ricané grassement dès qu'elle a repointé son mignon postérieur, pardon, typo, minois dans le coin, même si Roy avait dégainé un couteau de sa chaussette dès que les côtes américaines ont disparu du paysage, même si Roy a parlé, beaucoup, même si Roy ne parlait jamais, d'habitude. Non, ça n'avait pas été si terrible. On en apprenait un peu plus sur lui, dans un sens. Pas que ce soit de gaieté de coeur, mais ça lui donnait un côté un peu plus humain, plus vulnérable. Quoique. C'était à méditer. Parce que quand, subitement, il s'est coupé en pleine phrase et qu'il s'est jeté sur moi, coupant net tout maigre bruit qu'on avait osé à nouveau élever dans l'appareil, et qu'il a collé son visage au hublot, l'oeil humide, y'a un truc qui s'est passé. Un truc qui sentait vachement mauvais, ou alors c'était juste parce que j'avais sa tignasse pile pour le nez et que je jure que j'ai vu un truc agiter un p'tit drapeau blanc dedans, j'sais pas. Mais j'ai rien dit. J'ai cherché Chuck du regard, j'ai essayé de pas trop respirer, j'ai attendu que Roy recule lentement et se remette à sa place, sans bouger d'un poil, instinct de survie. J'ai jeté un coup d'oeil à ma droite, j'ai vu les premiers reliefs de Cuba se rapprocher, j'ai jeté un coup à ma gauche et j'ai vu Roy pincé les lèvres, presque... heureux ?! C'était louche. Les pupilles qui vrillent vers son frangin, là, la fée clochette en chef, je constate qu'il s'agite un peu trop pour un Davis déjà presque blasé par tout depuis qu'on l'avait ache... embauché. C'était vraiment louche. Mais y'a Roy qui renifle bruyamment, fait hausser quelques pairs de sourcils et du coup, il se reprend, il gonfle du torse, il glace du regard et il chope le premier venu - le steward, thanks God - pour lui cracher dessus qu'il a un beau pantalon. Une quinzaine de minutes plus tard, l'avion est posé, les portes sont ouvertes, le steward nous souhaite un bon séjour en tremblant de ses jambes nues et Roy part en tête, son calbut jeté par-dessus son épaule. Il file droit, il file vite, et ça nous laisse respirer, nous détendre. Il y a même des sourires qui fusent, les premiers éclats de rire, la joie de vivre qui revient - sauf chez Jay, hein, forcément - on passe les douanes, on se fait courser par quatre gueulus qui veulent récupérer presto nos bagages qu'on a pas vraiment pris le temps d'emmener avec nous, en fait. Ca a un p'tit goût de luxe malgré tout de voir nos trois ou quatre sacs poussés sur un chariot sûrement plus confortable que la caisse d'Hamilton, un goût qui se prononce davantage encore quand on sort de l'aéroport et qu'un mec en costard cravate alors qu'il fait 35°C nous aborde, l'anglais bancal mais l'anglais poli, pour nous dire que notre carrosse sera bientôt avancé. « Alors, t'es content de ton vrai p'tit anniversaire de princesse jusque là ? » Je croche mon bras aux épaules de Chuck en souriant et en posant mes lunettes de soleil sur mon nez, mais ça ne dure pas : y'a Roy qui réapparait. Là, comme ça. En tombant d'un muret, en sortant d'un buisson. Tout le monde fait un bon, sauf Davis, non, lui, il fait un tour sur lui même, scrute partout autour de lui, surveille ses arrières. Ca me renvoie dans mes songes, à mes défenses, aussi, mais les voitures sont déjà là et on y entre. Et forcément, Roy nous colle au train.

****

C'était beau, foncièrement beau. Les rues, les couleurs, le soleil et les locaux, ça donnait un coup d'ailleurs, un coup de frais, un coup de jus. On a traversé La Havane, notre chauffeur qui se la jouait guide et qui s'enflammait, aussi, parfois, en omettant qu'on était pas du coin - le bronzage californien, maybe? - et en reprenant son débit espagnol. Je traduisais quelques mots, ça et là, essentiellement quand il était question de picole, de cigares et de gonzesses à Chuck qui tirait la même tronche que quand Isla rentrait dans son bureau quand on était défoncés et qu'elle nous alignait ses vingt mille idées généralissimes du jour en soixante secondes chrono. Mais à un moment, Roy, toujours Roy, a élevé la voix. Dans un espagnol clairement moins gutural que son anglais. Il a tourné la tête vers le chauffeur - on avait réussi à le placer sur le siège passager. On courait le risque qu'il foute l'autre dehors et qu'il prenne sa place au volant pour nous foutre dans le premier mur à portée de vue, le rire satanique, certes, mais le siège passager, c'était aussi la place du mort. Une chance sur deux, 'voyez. Bref, il a tourné la tête vers le chauffeur, et il lui a demandé si c'était toujours Pablo qui tenait le bar qu'on venait de dépasser. Il a rajouté un truc comme quoi il lui devait toujours du fric et/ou une nuit avec sa gamine, mais j'ai arrêté d'écouter avant de savoir si elle était majeure ou si elle avait seulement perdu ses dents de lait, genre. Il parlait espagnol. Il chialait à la vue du rivage. Il n'avait certainement pas passé la douane. Je fixe Chuck, j'essaye de voir s'il pense à ce que je pense, mais je ne peux rien lui demander. Pas tout de suite.

Ce n'est qu'arrivés à bon port, comprenez là la baraque énormissime qui s'avère être la nôtre, yep, que l'étau se desserre. Rapide tour des lieux, tout le monde s'émerveille et file dans tous les coins, sauf Jay qui regarde ses pieds l'air chiant et qui va s'asseoir sur une chaise, face au mur, dans le séjour. Et sauf moi, aussi, qui m'éloigne pas d'un pouce de Chuck, jusqu'à le suivre dans sa chambre, aussi. Je referme la porte derrière nous, ignore son regard mi-drôle mi-wtf. J'entrouvre les lèvres, je les referme en même temps que mes yeux quand on entend derrière la cloison, au loin, la voix de Roy qui répète le nom de la baraque, Garden Villa del Marques de San Felipe y Santiago de Bejucal, l'accent parfait, les R si bien roulés et... Fuck. « Dude. Roy. Roy qui connait Cuba... Guantanamo. » J'ouvre de grands yeux, pour bien appuyer la chose. Mais ça s'arrête là - Craig entre dans mon dos, j'ai peur d'abord et puis je vois son plateau, ses verres et le cigare qui fume déjà à ses lèvres. Je compte jusqu'à trois, je n'entends plus de Roy, je vois Jay qui tire la gueule derrière Craig, Craig se met à se marrer en pointant  la porte vitrée derrière nous, je me retourne et je vois Davis se prendre un plat dans la piscine, tout habillé, visiblement pas très volontaire, et je décroche un sourire. Bah. J'attrape un des verres, le tape contre ceux des autres, et j'oublie le tueur en série qui rôde en filant me trouver une piaule.




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