iv. Histoire
On my own, pretending he's beside me + Salt Lake City, 1977 - 1995 But every day I'm learning, all my life I've only been pretendingSalt Lake City représentait aujourd’hui absolument tout ce qu’Alecia détestait. Ou plus exactement, la ville renfermait dans son ensemble toute l’étendue possible des personnes sur cette planète qu’elle ne pouvait pas voir en peinture et qui risquaient de se prendre son poing dans la figure si elle restait coincée avec eux un peu trop longtemps. Pourtant, tel n’avait pas toujours été le cas, non. Enfant, elle avait apprécié se balader dans les rues de la capitale avec ses parents, découvrir l’Utah et la beauté de ses parcs nationaux, du Monument Valley. Elle avait adoré être la seule au centre des préoccupations de ses parents, être leur enfant miracle et prodige qu’ils n’attendaient plus, vivre une enfance sans aucune anormalité à l’horizon susceptible de les faire pâlir de honte. A cette époque-là de sa vie, Alecia n’était qu’une simple enfant qui ne vivait que pour l’approbation de ses géniteurs et qui se pliait à leurs exigences sans oser remettre en cause leur autorité. Car après tout ils devaient probablement avoir raison sur tout et puis c’était de son devoir de leur obéir sans se poser de questions, n’est-ce pas ? Sans compter que Mr et Mrs Havisham étaient loin d’être des parents autoritaires, au contraire. Ils étaient uniquement soucieux de l’avenir de leur fille unique et tentaient de leur mieux de l’élever selon des valeurs qu’ils croyaient justes, pures, pour lui assurer le bel avenir qu’elle méritait. Et lorsque l’on connaissait les antécédents de Salt Lake City, il était peu étonnant d’annoncer quelles étaient ces valeurs : avec plus de la moitié de la ville peuplée par des mormons et des leaders politiques qui clament haut et fort leur amour au parti républicain, la blonde n’avait pas tellement eu le choix. Ses parents étaient mormons, conservateurs, patriotiques et fiers de dire qu’ils faisaient partie de ces familles installées dans le pays depuis l’arrivée des premiers immigrants quand bien même absolument aucuns faits ne venaient appuyer ce qu’ils avançaient. Mais Alecia ne disait rien, se contentant de les écouter et d’aller à l’église et au Temple Square tous les dimanches en se disant que c’était la seule chose à faire car c’était de toute manière bien de la sorte qu’on l’avait endoctrinée, sans qu’on lui donne une quelconque occasion de remettre en cause tout ce qu’on avait pu lui dire jusque-là. Alors elle avait subi l’influence de ses parents, de l’Eglise, et même de ses amis issus eux aussi de familles de mormons, jusqu’à ce que l’adolescence ne vienne la frapper de plein fouet.
Le début du lycée avait en effet été beaucoup plus décisif que prévu, insufflant un vent nouveau sur sa petite vie aussi cadrée et prédestinée que paisible. Peut-être était-ce dû à la rupture plus nette de ce clivage entre mormons républicains et autres populations qui s’imposait pour la première fois à elle, ou bien à l’ambiance générale des années 90 qui venait enfin lui ouvrir les yeux et lui délier la langue. Effondrement du bloc soviétique, fin de la guerre froide, apparition de nouveaux mouvements sociaux, ou explosion du grunge avec Nirvana à sa tête, tout était propice à des changements brutaux dans l’idéologie bornée de ses parents qui l’emprisonnait. Alors Alecia observait, écoutait, discutait et se forgeait peu à peu une opinion qui se démarquait de ce que ses parents lui avaient toujours inculqué sans pour autant oser les confronter. Non, à quoi bon leur dire qu’elle ne croyait pas à la religion mormone, qu’elle était heureuse de la montée en puissance de Bill Clinton et qu’elle comptait vivre ses années au lycée de manière libérée selon ce qui lui dictait directement Kurt Cobain. Ça n’avait effectivement aucun sens. Sauf que ça ne l’empêchait pas du tout de le penser et d’agir en fonction, donnant naissance à deux parties d’elle-même en parfaite contradiction. Il y avait la présidente du club de débats du lycée, membre du club de théâtre, et l’élève aussi brillante et sociale d’un côté qui s’exprimait sans aucun problème ; et la jeune fille réservée de l’autre qui allait à l’église tous les dimanches déguisée comme la bonne chrétienne de service – qu’elle n’était plus –, jurant à ses parents qu’elle ferait vœu d’abstinence jusqu’au mariage. Et un tel schéma avait fonctionné à merveille, jusqu’à sa dernière année de lycée où elle finit par comprendre qu’elle ne pouvait plus faire semblant de vivre différemment selon les personnes qui lui faisaient face et qu’elle devait s’assumer sans en craindre les conséquences.
«
Je t’ai vu à la messe la semaine dernière. Je croyais que t’avais confronté tes parents et que t’arrêtais tout ça. Enfin ce n’est pas ce que tu nous avais dit à la dernière réunion ? » Le regard perçant du vice-président de l’association venait clairement lui faire comprendre qu’il n’était pas dupe et qu’elle devrait une fois pour toute démontrer la véracité de ses discours aux prochaines réunions. Et Alecia avait beau détesté ce genre de pratiques proches de l’espionnage, elle commençait à croire que le comportement de Seth n’était que la manifestation du mouvement de contestation qui s’élèverait si elle continuait à jouer un double jeu encore longtemps. Car au fond, il n’avait pas tort et la blonde savait pertinemment que son seul but n’était que de l’aider. Après tout, ils étaient amis, se connaissaient par cœur et n’avaient aucune utilité à faire de la vie de l’autre un enfer. «
Je… », commença-t-elle à dire en cherchant ses mots. «
Je suis en train de chercher à comment amener le sujet. Tu sais, il y a une différence entre leur dire que je ne suis pas comme ils voudraient que je sois et leur faire du mal en leur balançant dans le mauvais contexte ». C’était sûrement l’argument le plus bidon de la planète, surtout dans la bouche de la présidente d’un club qui disait savoir manier l’art de l’éloquence, mais elle n’avait pas trouvé mieux. Seth la jaugea du regard sans grande conviction, sans rien dire, ce qui de sa part en voulait dire long. Il savait qu’elle n’en serait pas capable. Et elle avait peur qu’il ait raison. «
Je vais leur dire. », conclut-elle plus pour elle-même que pour lui.
…et elle tint sa promesse quelques mois plus tard. Car Seth ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Elle voyait bien son regard à chaque fois qu’elle le croisait, elle comprenait bien ses piques dans les remarques qu’il lui lançait. Et paradoxalement, il lui faisait aussi comprendre qu’il avait envie de l’aider à lâcher prise, à continuer l’héritage de Kurt qui lui n’avait plus eu la force de continuer, et que si elle le faisait dans ses bras ce serait encore mieux. Alors elle s’était laissée guider, avait fini par succomber à ses allusions, à ses contacts, à ses promesses de vie meilleure une fois ce poids libéré de ses frêles épaules. Car après tout, succomber devait l’aider à se libérer, et ça lui faisait un bien fou de se faire rassurer sur ce qui l’effrayait le plus. Et c’était bien noble de la part de Seth, seulement il n’avait visiblement envisagé que les potentiels effets positifs de la chose sans imaginer une seule seconde qu’Alecia finirait par lâcher le morceau uniquement par contrainte, le dos au mur, obligée de confesser devant eux ce qu’ils n’auraient jamais suspecté.
«
Papa, maman, je vous aime. Je soutiens Bill Clinton, je suis loin de vivre selon les valeurs du Temple Square. » Alecia avait balancé ces mots d’une seule traite, sans prendre la peine de respirer, se contentant de regarder dans les yeux de ses parents, qu’elle avait eu tant de mal à confronter par peur de les décevoir, alors que c’était exactement ce qui allait arriver. «
Et je suis enceinte ». Elle qui parlait de bons et mauvais contextes, la catégorie de ce-dernier en l'espèce ne faisait absolument aucun doute. Elle était obligée d'arrêter de faire semblant.
I dreamed a dream + San Francisco, 1995 - 1997 He slept a summer by my side, he filled my days with endless wonder. He took my childhood in his stride but he was gone when autumn came. Dire que ses parents avaient plutôt mal pris la nouvelle était un euphémisme. Ils lui avaient hurlé dessus, l’avait giflé, insulté, avant de finalement orchestrer tout un nouveau plan pour limiter la casse qui permettrait de se faire pardonner un jour. Car Alecia n’était qu’une adolescente de dix-sept ans sans aucun avenir et devenir mère n’allait sûrement pas l’aider. Alors ils fulminaient, ne comprenaient pas où était passée la fille qu’ils avaient élevée et choyée. Car pour eux l’adolescente qui leur faisait face n’était plus qu’une étrangère. Pourtant, la blonde avait essayé de leur expliquer, de leur dire que tout irait bien et qu’après tout, elle s’en sortirait si elle avait leur soutien. Mais ils ne voulaient bien évidemment rien entendre, et Alecia n’avait plus trop d’espoir et ne comptait plus se laisser faire marcher sur les pieds. Elle les aimait, c’était certain, mais elle ne ferait plus deux fois la même erreur quitte à complètement rompre avec eux. Alors forcément, autant dire que ce qu’ils avaient prévu pour elle était loin de lui faire envie. «
Vous allez vous marier, transformer vos péchés pour les faire disparaître, et vivre comme de bons chrétiens que vous êtes. » Cette fois ce fut au tour de la jeune fille de crier, de les maudire et les accuser de ne pas faire d’effort pour comprendre ce qu’elle s’efforçait à leur dire. Il n’avait jamais été question d’épouser Seth, de s’unir à une personne uniquement par convenance sans lui laisser une once de liberté alors qu’elle n’était même pas sûre de l’aimer. Oh non, elle n’allait pas s’emprisonner une seconde fois juste pour faire plaisir à ses géniteurs. Pas sans être sûre que ce serait ce qu’elle voulait elle. Alors elle s’était laissée le temps de la réflexion, partant pour San Francisco où il était prévu qu’elle finisse sa grossesse au milieu de l’été avant d’entamer le community college où il avait été convenu qu’elle fasse ses études secondaires avant toute cette histoire. Et Seth l’avait rejoint un temps qui lui fut suffisant pour faire son choix définitif.
«
Alecia, le mariage et la paternité ne sont pas des choses qui se décident en trois jours. » Les mots avaient fusé sans aucune délicatesse. Il n’était pas là pour ça après tout et il détestait manifestement qu’on lui demande d’assumer ses responsabilités quand bien même il avait été le premier à le lui reprocher lorsqu’elle se cachait encore de ses parents. Sauf que maintenant, on était à des kilomètres de l’ami intelligent et responsable qu’elle avait connu et Alecia luttait pour obtenir quoi que ce soit de sa part alors qu’elle le logeait, le nourrissait et luttait pour réussir à payer son loyer. Alors non c’était parfaitement clair pour elle, il n’était désormais plus là que pour se donner bonne conscience et l’influencer dans son choix, et elle attendait uniquement confirmation de sa part avant de prendre toute décision définitive. Jusqu’au jour où elle explosa. «
Ça fait six mois que je suis enceinte imbécile, il te reste plus que trois mois avant de me dire si tu veux la reconnaître, ce n’est pas bien compliqué : c’est oui, ou c’est non. Et oublie cette histoire de mariage tu veux, si tu ne peux pas me donner de réponse sur ta capacité à porter tes couilles je préfère m’en passer et me démerder sans toi. », avait-elle fini par lui balancer. Les mots, mélangés aux hormones, étaient venus s’abattre sur lui sans aucune retenue. Elle avait besoin d’être fixée, d’arrêter de compter sur une bonne illumination de sa part pour savoir dans quelles conditions elle allait élever sa fille. Au final, elle se fichait complètement de ce qu’il pouvait ressentir pour elle ou non, elle n’en avait même plus rien à faire des volontés de ses parents, elle voulait simplement reprendre sa vie en main sans que personne ne vienne la tenir en joug encore plus longtemps. «
Allez c’est bon, t’as suffisamment eu de quoi t’amuser. Retourne à Salt Lake City te trouver une nouvelle petite mormone à amadouer, j’abandonne. » Et sans un regard en arrière, Seth prit la fuite. C’était tout ce qu’il attendait depuis le début, son autorisation pour partir et retourner à une vie plus excitante que celle d’un père de dix-sept ans. Alors une fois encore, Alecia dû annoncer la bonne nouvelle à ses parents qui ne vinrent la voir qu’à la naissance de sa fille, et qui se résolurent à s’occuper du bambin le temps de ses études. Oh monde cruel.
***
For those who come to San Francisco summertime will be a love-in there in the streets of San Francisco, gentle people with flowers in their hair.San Francisco avait pour mérite d’être une ville agréable, pleine de diversité et au climat de loin plus clément qu’en Utah. Sans oublier que les habitants étaient clairement plus ouverts d’esprit et n’avaient aucun mal à vivre avec tous les genres de personnes possibles et imaginables. En d’autres termes, c’était une ville recueillant les parfaits éléments pour repartir du bon pied, avec en prime le bon air frais de l’océan Pacifique. Tout le monde était d’ailleurs unanime sur le sujet, San Francisco était un petit coin de paradis bien difficile à quitter où l’ère du peace and love était toujours d’actualité. Et bien évidemment, Alecia était la première à le dire. Les récents événements l’avaient clairement bousculée, la poussant dans ses retranchements pour l’obliger à prendre des décisions qui l’aideraient à avancer comme elle l’entendait. Elle avait dix-huit ans, venait juste de devenir mère, et n’avait pas eu d’autre choix que de confier la prunelle de ses yeux à des parents qui n’avaient rien fait pour la soutenir si ce n’était la juger encore et encore en acceptant de prendre en charge leur petite-fille juste par foi chrétienne. Autant dire que c’était loin de se rapprocher des volontés de la jeune femme qui, si elle l’avait pu financièrement, serait partie vivre sur la côte avec Siobhán. Sauf que c’était loin d’être le cas et la belle attendait impatiemment le jour où elle pourrait récupérer sa fille, étudiant du mieux qu’elle le pouvait au community college de la ville qui l’avait d’ores et déjà acceptée. Ce n’était certes, pas le meilleur établissement du pays, mais à ce stade c’était bien le cadet de ses soucis. Après tout, elle n’était là que dans l’optique de pouvoir décrocher un poste décent à la sortie et récupérer sa fille, alors il ne fallait pas non plus faire la fine bouche. Surtout que les prix n’étaient pas les mêmes et l’avantage du community college était de lui laisser encore deux années d’études générales avant d’intégrer une autre université de niveau, ce qui était largement suffisant pour réfléchir de son avenir universitaire. Mais pour l’instant, elle n’avait qu’à se donner à fond pour réussir, c’était tout ce qui arrivait à la faire vivre, tout ce dont elle avait besoin.
Et si le lycée lui avait permis de se libérer en partie, l’université prit une ampleur beaucoup plus considérable lui permettant de découvrir un tout autre monde dont elle avait jusque-là à peine connaissance. Celui du sensationnalisme, du m’as-tu vu et du culte du corps. Car il ne fallait pas se le cacher, les clichés qui venaient frapper les universités américaines ne sortaient pas de nulle part. En dehors des études, la majorité des filles cherchait à attirer l’attention des autres, et les garçons eux ne réfléchissaient pas à deux fois avant de chasser ce qui les intéressaient. Du moins, c’était la liberté telle qu’on se l’imaginait en Californie, bien loin des pensées mormones qui l’avaient emprisonnée pendant des années. Et dans un tel contexte, Alecia avait fini par se laisser aller à la liberté du corps – ou de l’exhibition comme ses parents aimaient appeler ce genre d’activités – en décrochant un contrat de mannequinat avec une agence réputée de Los Angeles. La belle avait en effet fini par suivre les suggestions de ses amis qui la poussaient encore et toujours à signer un tel contrat. Car elle était blonde, elle était belle, elle avait des yeux bleus perçants et un sourire ravageur, le tout accompagné d’une personnalité attachante qui donnait envie à tout le monde de devenir sa meilleure amie. Et que merde, elle avait un corps de rêve qu’une grossesse n’avait même pas réussi à gâcher, ou même à déformer en partie. C’était de la magie noire ou un don tombé du ciel qu’elle se devait apparemment d’exploiter, et qui lui donnerait de surcroit l’occasion de récolter suffisamment d’argent – plus que les petits boulots qu’elle pouvait enchainer à côté des études – pour récupérer sa fille. Que pouvait-elle donc demander de plus ?
Et effectivement, sa carrière avait tenu ses promesses. Sans véritablement faire d’elle une star du jour au lendemain, la blonde, désormais connue sous le nom d’Iris Windsor, avait réussi à économiser pas mal d’argent, au du moins plus qu’espéré au départ et qui lui permis de rendre visite à Siobhán dès qu’elle le pouvait. Elle accumulait les contrats, les aller-retours à Los Angeles et Salt Lake City, et la belle était pour la première fois confiante en ce qui l’attendait. Sans oublier qu’elle adorait tout simplement poser, montrer son corps, user de ses charmes devant un objectif. Elle aimait tellement ça qu’un photographe pour qui elle posait régulièrement ne tarda pas à lui proposer un tout autre genre de contrats, une fois son diplôme en poche. Le genre de projet qu’elle n’avait pas su refuser tant le cachet promis pour le faire était exorbitant. «
Iris, je sais que ce n’est pas du tout dans ce que t’as l’habitude de faire…mais avec l’université qui se termine, ce naturel que t’as devant les objectifs et la maîtrise de ton corps… » Il s’interrompit une seconde avant de reprendre, sûr de lui. «
Je suis sûr que tu serais parfaite dans le cinéma pour adultes. Il y a beaucoup de préjugés dans le domaine et tu n’y échapperas pas, je ne vais pas te mentir, mais ça rapporte un max. Il suffit de regarder la carrière de Siffredi, il explose. Et j’aurais besoin d’une nouvelle actrice donc si ça t’intéresse... Et je peux t’assurer que les demandes affluent malgré ce qu’on pourrait s’imaginer, et qu’en l’état c’est plus intéressant que le simple mannequinat ou tu risques de plus facilement tomber dans l’oubli. » C’était de loin la proposition la plus bizarre qu’on ne lui avait jamais faite, mais ses années quelques années passées en Californie lui avait ouvert l’esprit d’une manière qu’elle n’aurait jamais cru possible. «
T’es sérieux ? », se contenta-t-elle de demander. L’homme la regarda le plus sérieusement du monde, lui indiquant clairement qu’il n’était pas d’humeur à faire de telles propositions s’il ne les pensait pas. «
Laisse-moi y réfléchir, je te rappellerai. » Et une semaine plus tard, Iris faisait ses premiers pas dans le merveilleux monde de la pornographie, lançant une longue carrière couronnée de succès.
Master of the house + Los Angeles, 1997 - 2015Master of the house, keeper of the zoo
Los Angeles, berceau de la création, capitale des strass et paillettes et du sensationnalisme, avait été le témoin de l’essor de toutes les nouvelles activités d’Iris. Et si au début, elle s’était longuement interrogée sur les raisons pour lesquelles elle avait finalement accepté la carrière du hard, elle avait vite adopté une attitude je m’en foutiste sur la question qui allait longtemps lui coller à la peau et dont elle était loin de se cacher. Après tout, ça restait un art comme les autres et il fallait savoir assumer ses besoins primitifs, non ? M’enfin, à vrai dire elle s’en fichait éperdument, et la vérité était que le porno lui avait largement plus apporté que le reste dans sa vie. Déjà, elle connaissait maintenant mieux que quiconque son propre corps et le fonctionnement de ceux des autres. Hommes, femmes, drag, en duo, trio, une pratique en particulier ou…aucune, Iris était devenue experte dans toutes les manières possibles de faire l’amour – même celles les plus insoupçonnées – ce qui lui assurait une maîtrise incomparable dans ses propres rapports, ce qui était, il fallait l’avouer, plutôt agréable et excitant. Et mise à part cet apport considérable – que certains affirmaient être comme le plus important – sa nouvelle carrière lui avait permis de se faire un nom, de ne plus se poser de questions quant à l’argent qu’elle avait ou qu’elle n’avait pas, et de rencontrer tout un tas de personnes dont son futur mari, qui n’avait pas hésiter à adopter Siobhán, ce qui avait eu pour conséquence directe de leur permettre d’entamer un début de vie de famille à peu près normal. Ou du moins…une vie de famille aussi normale que possible. Il fallait dire que les activités de la jeune femme, combinée à celles de Lorcan, n’étaient pas vraiment des plus communes. Pour commencer, les deux s’étaient rencontrés lors d’un tournage d’Iris – le fameux Porn Rangers pour ceux que ça intéresse, l’apogée de sa carrière – et avaient entamé une discussion autour du romantisme de tous les accessoires utilisés pour le film. Bien évidemment, ça ne les avait pas dérangés le moins du monde, mais les personnes à qui ils racontaient leur rencontre n’étaient pas vraiment du même avis et avaient tendance à leur lancer des regards inquisiteurs rien que pour s’assurer qu’ils ne se foutaient pas de leur gueule. Mais non, c’était bien les rangers de l’amour – ou du godemichet – qui les avaient réunis. Et le début de leur relation s’était faite tout aussi naturellement, après une longue période de simple amitié alimentée par un partage de leur amour respectif pour le monde dans lequel ils évoluaient. Lorcan lui avait même fait découvrir ses croyances, renforçant les convictions d’Iris pour le besoin du militantisme des droits qui se cachaient derrière l’acronyme LGBT et ses variantes. Car clairement, les années qu’elle avait passées à San Francisco lui avaient donné envie de poursuivre l’héritage d’Harvey Milk et lui avait fait comprendre qu’elle était bien loin de se définir comme étant hétéro. Et quand bien même, elle avait clairement fait de la diversité des genres sa préoccupation, et Lorcan n’était là que pour la motiver encore plus à s’engager sur cette voie-là, étant lui-même bisexuel et dans le militantisme depuis de longues années. Un beau couple complémentaire en somme.
Et la suite de leur relation fut loin de promouvoir un style de vie ancré dans les standards attendus par les Américains. Après presque six mois de relation, il lui fit effectivement une révélation dès plus marquantes…du moins pas pour elle. «
J’aime me travestir. », lui avait-il confessé le plus sérieusement du monde, après lui avoir promis de choquantes nouvelles le concernant. Alors vraiment, c’était ça ce qu’il appelait choquant ? Pour un homme qui passait son temps avec des amies drag queens, il aurait plus faire dans le plus original. «
Doux jésus, tu m’as fait peur. Je pensais à quelque chose de grave, t’es con ! », l’insulta Iris sans pour autant cacher son soulagement. Parce que oui, elle s’était imaginée pire avec l’annonce dramatique qu’il lui avait faite un peu plus tôt. Lorcan se contenta de la regarder interloqué, se demandant sincèrement si elle avait bien compris toute l’étendue de ce qu’il venait de lui dire. «
Travesti dans le sens de drag queen hein. », précisa-t-il pour être sûr qu’il n’y avait pas de malentendu. «
Attends, tu veux rompre ? Tu t’es rendu compte que tu n’aimais plus que les hommes ? » Ah. Parce que dans ce cas, ça changeait légèrement la donne et le voir insister autant sur son identité commençait à lui faire peur. Après tout, les drag queens étaient plus réputées pour leur attirance pour les hommes. «
Parce que sinon tu peux me dire en quoi je devrais mal le prendre ? On ne peut pas vraiment dire que la possibilité de te juger soit dans mes cordes. Et je croyais que mes positions étaient plutôt claires. », continua-t-elle visiblement vexée qu’il puisse penser qu’elle soit capable d’une autre réaction. Et devant son discours d’indignation, il se mit à rire, visiblement soulagé de la voir aussi imperturbable. «
Non, ne t’inquiète pas pour ça, t’es la seule que j’ai envie d’épouser. » Oh, voilà autre chose à laquelle elle ne s’attendait pas. Alors c’était ça le but de toute cette mise en scène ? Au moins, sa demande avait le mérite d’être originale. «
Alors fais-le, imbécile et arrête de dire des conneries pour me faire peur. » Il avait de la chance qu’elle l’aime, ou elle aurait preuve d’une véritable violence à son égard. Mais il se contenta de s’exécuter en la demandant correctement en mariage, insistant même pour l’adoption de Siobhán qu’ils allèrent chercher le jour de son cinquième anniversaire une fois leur union célébrée.
Les quinze années qui suivirent n’avaient ensuite été qu’à leur image : hors normes. Car clairement, on ne pouvait pas dire que le couple soit cité comme étant les meilleurs parents de l’Amérique. Non pas qu’ils ne soient pas exemplaires avec la petite Siobhán qui ne manquait de rien, mais disons simplement que plus elle grandissait et moins ils avaient conscience de l’importance d’un filtre qu’il se devait de respecter lorsqu’ils s’adressaient à elle. En d’autres termes, ils parlaient absolument de tout et n’avaient jamais rien caché à leur fille sur leurs différentes activités. Alors bien sûr, avec le temps, Iris avait fini par abandonner doucement le monde du porno pour développer tout un autre business considéré comme plus sain – quoi que pas de beaucoup –, mais ça lui arrivait régulièrement de parler à sa fille de ce qu’elle avait l’habitude de faire. Quant à Lorcan, plus connu sous le nom de Miss Hypnosis, il était difficile de ne pas le croiser régulièrement en tenue de scène. Et voir sa mère encourager son père à porter des petites tenues féminines avec un maquillage loin de passer inaperçu pour faire le show dans un bar gay et pas que ne devait pas être quelque chose que Siobhán définissait comme habituel. M’enfin, c’était juste une question d’habitude si vous demandiez l’avis d’Iris. Pour elle, ce n’était qu’une discussion en rapport à leur milieu professionnel… Maintenant qu’elle possédait l’Hinano et d’autres établissements du même genre dans le pays et qu’elle était une militante connue et adulée dans tout le pays, elle avait adopté une mentalité quelque peu tournée vers l’extrême. D’où sa dernière lubie de se présenter comme présidente des Etats-Unis pour le parti démocrate. Elle n’avait aucune chance, elle le savait, mais elle comptait bien lutter pour les causes qui l’avaient toujours tenu à cœur. Les Etats-Unis avaient besoin de changement, et elle comptait bien faire partie des solutions pour améliorer la gestion et les problèmes du pays.