Bonnie & Talan

La vie de professeur de surf n’était pas exactement la même que celle de champion de surf. C’était déjà nettement, nettement moins glamour. Et puis c’était cette fois-ci à nous d’être au petit soin avec des élèves plus ou moins doué. Et on savait que Talan et la pédagogie ce n’était probablement pas son fort. Déjà, on évitait de lui mettre des gosses trop petits dans les pattes, sa stature risquait de les effrayer et il ne tolérerait pas les cris plaintifs. Ensuite, ensuite le reste ça allait à peu près. Bon bien sûr les trop godiches il risquait de se montrer un peu ours, mais c’était déjà mieux que Leo le casse-cou qui draguait plus ou moins de loin toute les jolies paires de jambe qui avait décider d’épouser les vagues. D’accord, il comprenait, en plus ça n’avait pas l’air d’être l’éclate la plus totale avec Rae en ce moment, et bref… Talan comprenait. Il ne le disait pas. Parce que bien sûr la dernière chose dont il voulait parler, c’était de Rae et Leo. Mais il voyait,  il n’était pas con. Et puis la gueule d’abrutit de sexy Leo ramenait des clients. Ou alors peut être qu’ils avaient confiances dans sa stature de titan. Bon après ils avaient tout de même ouvert une école avec trois noms vainqueur du surf, donc pour ceux qui s’y connaissaient un minimum, ce n’était pas rien non plus.

Aujourd’hui Talan s’occupait d’une jeune actrice. Ca arrivait plus régulièrement qu’on ne le pensait à LA d’après Leo. Une actrice chopait un rôle ou elle devait faire ça ou ça, et se lançait dans l’apprentissage de la chose pour ne pas avoir l’air complètement démunie le premier jour de tournage. Talan s’en foutait, elle voulait apprendre le surf, et bien allait apprendre le surf. Il avait déjà quelques séances avec elle, et il ne savait pas si c’était complètement risible ou juste vraiment emmerdant, mais la fille avait, attention… Peur des vagues. Sans déconner. Le pire c’est qu’elle ne manquait pas d’équilibre, et que Talan était sûr que si elle se lançait pour de vrai, elle arriverait à faire quelque chose de plutôt pas mal. Et Talan n’était pas un mec accro au compliment, c’était donc quelque chose. Mais bon, on ne contrôle pas ses peurs, et Talan s’était préparé mentalement à devoir faire une nouvelle séance entre le sable et les grosses vagues. Il s’était préparé à toutes les regarder se briser sans jamais y mettre le nez dedans. Et puis il s’était motivé, il s’était dit que cette fois-ci, si elle refusait d’y aller, il la jetait dedans. Elle ferait peut être un bon tonneau, mais après il y avait une chance pour qu’elle se rende compte que ce n’était pas si terrible et qu’elle pouvait facilement recommencer une nouvelle fois. Non parce qu’il ne faut pas croire, un surfeur ne reste pas toujours sur le haut de la vague à ne pas boire la tasse. Bon bien sûr c’était le principe. Mais soit on tentait le diable, soit on avait pas vu venir une deuxième vague, soit beaucoup de chose finalement.

Il avait finit par être d’humeur joueur, et qu’on se le dise, pour Talan c’était beaucoup. Son arrivé à Los Angeles l’avait plutôt poussé dans une mouvance ours fois mille. Hawaï lui manquait, et même si la plage de Plana Del Rey était plutôt agréable, on était encore bien loin de la magie Hailewa. Mais bon il savait qu’il ne remettrait pas les pieds d’aussitôt sur l’île, alors parfois il essayait de faire un effort. Il fumait un joint au réveil juste avant de filer sur l’eau et ça le mettait de bonne humeur. Se faire plusieurs bonne vague à l’aube avant de devoir faire ses cours, était déjà souvent un bon moyen d’évacuer la frustration de faire du surf de bas niveau pendant toute la journée. Il était donc déjà en combinaison et plutôt mouillé lorsqu’elle était arrivée. Il avait d’ailleurs retroussé le haut de sa combinaison, parce qu’il fallait mieux la laisser sécher que de rester dans un costume tout mouillé. Et puis qu’on se le dise, Talan n’était pas quelqu’un de frileux, et si les températures étaient un peu moins clémente à Los Angeles qu’à Hailewa, il n’y avait pas trop de quoi se plaindre, et Talan avait été habitué à vivre dans le plus simple des appareils. Il accorda à la demoiselle son sourire les plus francs, c’est à dire un peu bourru sur les bords, et la gratifia d’un coup, sans violence dans l’épaule. « Bon, prête à affronter les vagues aujourd’hui ? » Il y avait quelques de malicieux dans sa demande, comme s’il se foutait légèrement de sa gueule. D’un côté c’était aussi ce qu’il faisait. Il avait tellement l’habitude de les apprivoisé que ça lui paraissait réellement étrange d’en avoir peur. « Je te préviens, aujourd’hui, sois t’y vas de ton plein gré, sois… On va essayer une autre méthode. » dit-il avec un sourire diabolique. Il avait probablement suffisamment de force pour la jeter dans les vagues. Mais si elle faisait suffisamment d’effort, peut être qu’il la prendrait simplement sur sa planche à lui et qu’il lui montrerait… Sur une petite vague bien sûr, parce qu’il n’y avait aucun moyen pour qu’il puisse réussir à gérer une grosse vagues, plus une blonde peut être paniquée. « T’es prête ? » demanda-t-il tout de même pour vérifier. « ou t’abandonne maintenant. » Il fit un grand sourire, il savait qu’elle était plutôt du genre à être têtue et à aimer la compétition, enfin elle avait l’air. Alors ça la forcerait peut être à prendre sur elle. « Bon pose ta planche dans le sable, remonte moi comment tu feras quand tu seras sur la vague. » Parce qu’elle allait y aller. Pas de pétard, soit elle y plongerait la tête la première soit elle allait surfer dessus, mais allait dans l’eau. Foi de titan, on ne passait plus une seule répétition à seulement effleurer l’eau avec ses orteils. « Allez l’asticot, t’es parée. »

Bonnie & Talan

S’il y avait bien une chose que Bonnie détestait par-dessus tout, c’était l’échec. Non qu’elle soit perfectionniste, non du tout, ce n’était à peine son genre. La blonde était juste une fille affreusement entêtée qui avait des envies de copier Dobby en se cognant la tête avec à peu près n’importe quoi à portée de main lorsqu’elle n’arrivait pas à faire ce à quoi elle désirait aboutir. Et à son stade, c’en était obsessionnel, maladif et tout ce qui pouvait l’aider à sortir de ce déroutant cercle vicieux n’était d’autre que la réussite ou la concentration sur un nouvel objectif à atteindre. La vie de la jeune Bonnie se résumait ainsi à une série d’aboutissements d’actes en tout genre dont elle était la seule à accorder de l’importance. Par exemple, à huit ans, elle avait buté plus d’un mois non-stop sur son rubik’s cube en refusant pertinemment de regarder des solutions sur Internet avant de finir par le casser dû à un excès de colère mêlée à de la frustration et de passer sur un nouveau casse-tête. Puis, durant tout son séjour au Mexique, elle s’était acharnée sur la méthode de distillation de la tequila avant de finalement décréter qu’elle était de toute façon trop jeune pour s’y intéressée et que quand bien même, elle n’aurait qu’à atteindre son vingt-et-unième anniversaire pour pouvoir en acheter sans prise de tête. Enfin, à son arrivée aux Pays-Bas, elle avait mis un temps fou à maîtriser la langue de Rembrandt pour la simple et bonne raison qu’elle s’attardait sur les moindres détails de la langue et qu’elle remettait en cause toutes les règles de conjugaison et de grammaire qui ne lui convenaient pas pour ensuite apprendre le néerlandais dans son aspect le plus moyenâgeux juste pour le plaisir d’approfondir ses connaissances. En d’autres termes, Bonnie ne tenait pas en place et devenait rapidement obsessionnelle sur des détails absolument insignifiants aux yeux du commun des mortels. Que voulez-vous, la demoiselle était hyperactive et ressentait le besoin au plus profond d’elle de se lancer elle-même des objectifs à atteindre pour se prouver qu’elle était capable de se surpasser et d’accomplir des exploits – ou du moins ce qu’elle décrivait comme tel. Alors, bien évidemment, son arrivée à Los Angeles ne devait pas déroger à la règle et la belle s’était lancé un nouveau défi : apprendre le surf pour son prochain film. Pour beaucoup, apprendre l’art de voguer sur la mer n’avait rien d’exceptionnel et même quelque chose de plutôt banal sur les côtes du Pacifique ; et quand bien même, Hollywood ne manquait pas de doublures pour seconder Bonnie en cas de besoin. Mais non, la jeune femme prenait les choses grandement à cœur et s’était promis de réussir à maîtriser les vagues devant la caméra, pour le plaisir de l’image. Sauf qu’un léger problème était rapidement venu obscurcir le tableau de l’actrice studieuse qu’elle était... Effectivement, Bonnie avait tout simplement une peur bleue des vagues, ce qui était légèrement problématique. Eh oui, ça pouvait paraître affreusement ridicule et pourtant, depuis qu’elle avait manqué de se noyer lorsqu’elle était enfant, elle ne s’était jamais aventurée dans l’eau plus loin que là où elle avait pied et passait clairement plus de temps à se dorer la pilule sur la terre ferme… Mais aussi obsessionnelle qu’elle pouvait l’être, elle refusait de lâcher prise et promettait à son professeur de surf de franchir le cap à la prochaine leçon. Le pauvre prof – une espèce de surhomme hawaïen fait que de muscles – ne savait plus quoi faire de sa jeune élève et commençait clairement à perdre patience. Le pire dans tout cela, c’était qu’elle avait les moyens de maîtriser les vagues plutôt facilement dans la mesure où ses entraînements d’escrime lui fournissait depuis son plus jeune âge un équilibre impeccable qui était des plus utiles lorsqu’il s’agissait de se tenir debout sur une planche en plein milieu des vagues. Mais non, Bonnie était en plein blocage psychologique et passait l’heure en compagnie de Talan les deux pieds plantés dans le sable, les yeux sur l’horizon pour chercher un semblant de courage qui l’aiderait à surpasser sa peur. Et une fois n’était pas coutume, Bonnie s’était rendue à son cours de surf à reculons en s’envoyant le plus de pensées positives possibles destinées à la faire dépasser le capable de l’inertie la plus totale. « Ce ne sont que des vagues, tu n’es pas en sucre, tu peux le faire. Au pire Talan sera juste à côté pour te repêcher. T’as connu pire Bonnie, ne fais pas l’enfant, tu peux vraiment le faire. Oui tu le peux…au pire, tu te noieras et ce sera douloureux ou tu tomberas et te casseras un membre, il n’y a rien à craindre…», s’était-elle murmurée à voix basse en attendant l’arrivée de son professeur. Elle avait beau être optimiste, ses peurs prenaient facilement le dessus et ce n’était certainement pas Talan qui réussirait à la calmer. Non pas que c’était une terreur – au contraire il était d’une patience des plus remarquables avec Bonnie – mais il ne lui fournissait pas non plus la sécurité dont elle avait besoin pour se lancer. « Bon, prête à affronter les vagues aujourd’hui ? », lui demanda-t-il avec un sourire et une tape amicale sur l’épaule. En guise de réponse, la néerlandaise grimaça avant de déglutir péniblement. « Je suis toujours prête pour voguer sur les flots voyons, hahahahaha. » répondit-elle avec un rire nerveux qui montrait bien à quel point elle était stressée et peu rassurée. « Je te préviens, aujourd’hui, sois t’y vas de ton plein gré, sois… On va essayer une autre méthode. », reprit-il avec un sourire diabolique qui ne lui disait rien de bon et qui eut le don de la faire encore plus paniquer qu’elle ne l’était déjà. Que c’était cruel de se jouer d’elle comme il le savait, elle était à deux doigts de prendre ses jambes à son cou pour retourner se cacher sous sa couette. Pourtant, elle n’en fit rien et se contenta de secouer la tête pour lui donner son consentement même si elle savait très bien qu’elle le regretterait la seconde qui suivrait. « T’es prête ou t’abandonne maintenant ? », demanda-t-il dans l’espoir d’avoir une confirmation de sa part de vive voix. « Prête, prête, prête. I’m a survivor (What?) I'm not gonna give up (What?), I'm not gonna stop (What?), I'm gonna work harder (What?), I'm a survivor (What?), I'm gonna make it (What?), I will survive (What?), Keep on survivin' (What?) ”, répondit-elle sur l’air des Destiny’s Child, tout ce qu’elle avait trouvé pour se donner suffisamment de motivation pour franchir le pas une fois pour toute. « Bon pose ta planche dans le sable, remonte moi comment tu feras quand tu seras sur la vague. », demanda ensuite Talan pour s’assurer qu’elle ne dérivait pas de leur but principal. Alors, sans se faire prier, Bonnie s’exécuta et répéta les gestes qu’elle avait appris avec une agilité digne des plus grands professionnels de surf et leva finalement les bras au ciel lorsqu’elle finit en s’autorisant un « TADAAAAAM » satisfait que seule la prochaine phrase de Talan réussit à la faire changer d’humeur. « Allez l’asticot, t’es parée. » A ces mots, Bonnie déglutit une seconde fois en fixant l’horizon pour la millième fois de la journée. Au loin, elle pouvait voir les autres surfeurs du coin qui s’entraînaient chacun de leur côté. Quand on les regardait, ça n’avait pas l’air bien compliqué, ils étaient tous sereins sur leur planche et tentaient de maîtriser les vagues sans se poser la question de s’ils se noieraient ou pas… Certains d’entre eux n’étaient même pas si doués que ça et Bonnie était même persuadée qu’elle pouvait être meilleure qu’eux. Mais pour cela, elle devait monter sur la planche et affronter sa peur, cette foutue peur des vagues. « Je t’ai déjà raconté d’où ma peur des vagues me vient ? Une histoire fascinante. », tenta-t-elle de lui demander innocemment. Ben quoi, elle pouvait avoir la naïveté de croire que ça pourrait l’intéresser et en ce moment elle était prête à tout pour gratter des secondes.

Bonnie & Talan

Pour un mec aussi posé, faussement paisible et surtout rustre, il avait tendance à attirer les piles électriques, ultra bavarde, et beaucoup trop punchy pour lui. Il ne savait pas ce qui en lui attirait ce genre de personne, mais il n’avait pas une seule personne dans sa vie qui s’illustre par sa capacité à rester à côté de lui pendant des heures en silence. Il apprécierait ça, pourtant, de dominer les vagues en silence, de temps en temps. Mais voilà, le souhait le plus cher de Rae était probablement de monter une comédie musicale avec les hommes de sa vie, et de le travestir en fille. Leo ne supportait pas de rester plus d’une minute sans dire quelque chose ou faire quelque chose. Isla était une véritable hyperactive à la voix haut perchée. Ses ex étaient toutes de véritable ouragan. Et même son élève avait l’air d’être complètement fêlée. Franchement il y avait de quoi demandé au ciel ce qu’il pouvait bien faire pour attirer les gens comme ça. Peut être que lui les apaisait. Ou alors ils aimaient justes se frotter aux muscles peu consentant. Peut être que lui profitait de ce comportement expansif pour ne pas avoir à trop s’ouvrir. Il n’en avait pas besoin, les autres le faisait largement pour lui. Les autres essayaient toujours de le tirer de sa coquille, de le sortir de son lit, d’aller l’emmerder sur les vagues. Ca oui, Talan était rarement seul. Pourtant ça ne le dérangerait pas. Mais non, on ne le laissait jamais tranquille bien longtemps.

Et voilà qu’en plus de se faire embarquer dans plein de plan plus ou moins foireux par ses amis, il avait choisit un métier qui lui demandait d’être en contact avec d’autre personne. Le pire c’était que c’était lui qui avait proposé l’idée. Risible. Il ne savait même pas d’ou ça lui était venu. Il n’était pas pédagogue pour deux sous. Il avait une manière bien à lui d’enseigner le surf. Mais voilà, au delà du surf, Talan ne savait presque rien faire. Enfin il savait cogné, mais il n’avait plus trop l’âge de se reconvertir en champion de boxe… Sa carrière serait bientôt finie, c’était sur. Donc, bon, ce qui devait arrivé, il avait une élève aussi amusante que chiante qui refusait de passer à l’action.

« Je suis toujours prête pour voguer sur les flots voyons, hahahahaha. » Il la regarda amusé, et roula des yeux. Elle savait que c’était pitoyable de faire semblant à ce point. Il resta un silence un moment la poussant vers l’eau avec une légère impulsion. Cette fille était têtue. C’était la plus têtue qu’il n’avait jamais rencontré, c’était à peine croyable. N’importe qui ayant à ce point peur des vagues aurait simplement arrêté de prendre des cours de surf. Ce n’était pas bien grave, on vivait très bien sans savoir faire ce sport. Mais non, elle s’accrochait, de la manière la plus stupide qui soit, c’était clair. « Parle moins et agis plus. » dit-il amusé. Voilà pourquoi il les attirait comme des mouches, au fond ça l’amusait. Et puis avec quelqu’un d’aussi rustre que lui, il y aurait juste aucune relation. Naturellement il finit par lui demander si elle était prête, il n’avait pas particulièrement envie de perdre son heure de cours à nouveau sur le sable. Elle savait tout ce qu’il y avait à savoir dans la théorie, et si elle ne passait pas rapidement à la pratique, il allait simplement pété un cable. Sa réponse l’étonna magistralement, elle explosa en chantant les… bref, une chanson, et Talan fronça les sourcils avant d’étaler sa main sur son visage. Facepalm. Quand elle eut finit son petit chaud il applaudit vivement un air caustique sur le visage. « Je te demanderais un autographe une fois que tu seras sur l’eau. » Il lui demanda ensuite de lui remontrer la théorie qu’elle connaissait évidement à merveille. Honnêtement à la voir s’astiquer sur sa planche, il se demandait s’il devait rire ou pleurer. Bien sûr elle était charmante et amusante, et peut être même qu’elle serait douée. Mais elle pouvait pas s’y mettre avec un tout petit peu plus de sérieux ? « Ouai… Faut que je te félicite ? » demanda-t-il en croisant les bras sur son torse massif et musclé. A les jeunes… Il n’était pas aussi chiant lorsqu’il avait la vingtaine, si ? « Bon, penses bien à tes hanches, ça t’aidera pour l’équilibre. Regarde toujours devant toi… Y a pas de raison que tu te plantes. » Enfin si, y avait mille raison pour qu’elle se plante. Mais ce n’était que de l’eau, ça n’avait jamais fait de mal à personne. Enfin si, plein de gens était mort noyer. Mais en l’occurence, pas en prenant des cours de surf. Il serait juste à côté si jamais elle avait un problème.

Et puis l’évident arriva. Il lui demanda de passer au chose sérieuse et son sourire de vainqueur se décomposa. Franchement elle n’était pas croyable. Que pouvait-elle vouloir en venant ici. Il fallait qu’elle se lance. « Je t’ai déjà raconté d’où ma peur des vagues me vient ? Une histoire fascinante. », Il souleva un sourcil. Qu’est ce qu’elle allait inventer encore ? Si elle pensait que ça changerait quelque chose au paté, elle pouvait se fourer le doigt très profond dans l’oeil. « T’as fait un rouleau, t’as cru que t’allait mourir ? » demanda-t-il d’un air lasse. « Franchement, peu importe ce que tu vas me dire. Si t’as peur à ce point on arrête tout… J’ai d’autres élèves qui seraient plus que ravis de récupéré tes heures. » Non parce qu’il ne fallait pas déconner non plus. Il voulait bien jouer. Il voulait bien la menacer faussement si ça peut l’aider. Mais fallait qu’elle arrête ses conneries. « Alors tu sautes dans l’eau, ou alors tu me laisses te jeter à l’eau, ou alors tu replis tes affaires et tu rentres chez toi. » Allez, finit de jouer. Il était pas énervé l’ours, mais fallait pas trop jouer avec lui non plus.

Bonnie & Talan

A y regarder de plus près, Bonnie n’avait jamais été une fille du genre froussarde ou de terrorisée à l’idée de passer à l’acte lorsqu’on lui demandait de le faire, et ce peu importe le domaine. Au contraire, en tant que gamine hyperactive et en recherche constamment d’action, elle était du genre à ne pas avoir froid aux yeux et à ne pas mesurer le danger, ce qui avait eu le don de créer quelques petits accidents dus à son manque de tranquillité depuis son plus jeune âge. Sauter d’une balançoire uniquement pour avoir la sensation de voler, se jeter du haut d’une falaise pour le simple plaisir de sentir l’adrénaline monter en elle, faire face aux petites brutes de l’école qui terrorisaient les plus faibles pour faire régner l’idée qu’elle avait de la justice, ou encore se balader dans les rues de Guadalajara en pleine nuit sans se rendre compte des dangers du cartel du coin pour cause d’insomnie, se rebeller devant les forces de l’ordre pour tenter de donner à ses parents une chance d’échapper à la peine de mort, elle était passée à côté de nombreuses occasions d’avoir peur sans ressentir aucune once de danger. Non, il n’y avait pas à dire, la blondinette n’avait pas peur de grand-chose lorsqu’il s’agissait de  passer à l’action, de faire entendre sa voix, ou de se dandiner devant les autres quand bien même elle serait ridicule et n’avait jamais l’impression de dépasser quelques limites qui soient. Il ne fallait pas oublier qu’après tout, c’était une actrice née et si une actrice n’osait pas agir ou avancer dans la prise de risque et de ridicule en préférant rester dans son coin, sa carrière ne risquait pas de faire long feu. Tout cela pour dire que Bonnie était une véritable pile électrique constamment en mouvement qui représentait principalement son seul danger. Et pourtant, aussi courageuse qu’elle pouvait l’être sans même se rendre compte, elle était bien terrorisée par une seule et unique chose : les vagues. Ce n’était pas une peur bien rationnelle mais il n’y avait rien à faire, l’idée de mourir noyée lui glaçait les os et les vagues de l’Océan Pacifique changeaient considérablement de celles de la mer du Nord auxquelles elle s’était habituée en venant vivre à Amsterdam. Mais soit, Bonnie était une battante et désirait braver le danger pour se prouver que les raisons de ses appréhensions n’étaient nullement fondées. Alors, elle était là, chaque semaine, à côté de Talan, à essayer de franchir le cap et de se jeter littéralement à l’eau et maîtriser les vagues. Sauf que jusqu’à maintenant, ses vaines tentatives s’étaient soldées en échec cuisant et dès qu’elle faisait un pas en avant, elle en refaisait trois en arrière. Pourtant, elle continuait à y croire et à se dire qu’elle en était capable, quand bien même elle allait forcément pousser à bout son cher professeur de surf pour y arriver avec sa bonne humeur excessive qui ne faisait que retarder l’échéance. « Parle moins et agis plus. » Talan lui avait répondu à moitié amusé par ce qu’elle venait de lui dire, ce qui eut au moins le don de rassurer un minimum la jeune femme. Il avait beau ressembler à un ours mal léché, au moins il semblait l’apprécier un  minimum, elle n’avait pas tout perdu. « Chef, oui chef. Action réaction ! », répondit-elle en mimant le geste militaire avec son bras droit. Talan lui demanda ensuite si elle était prête, et sans contrôler ce qui lui passa par la tête, elle s’était contentée de chanter à tue-tête les premières paroles qui lui étaient passées à l’esprit en guise de réponse. Le pauvre, il y avait de quoi perdre patience avec Bonnie. Ce ne fut donc point étonnement de voir qu’il plaça sa main sur son visage pour l’interrompre après son refrain, lui donnant une tête tout ce qu’il y avait de plus ridicule.  « Je te demanderais un autographe une fois que tu seras sur l’eau. » Malgré elle, un sourire s’était formé au creux de ses lèvres sans véritablement savoir pourquoi, c’était sûrement nerveux, il suffisait de lui parler d’eau pour qu’elle se calme instantanément. « Hmm, ça risque de ne pas être pratique de donner une séance d’autographes en plein milieu des vagues, je veux dire l’encre et le papier ne font pas bon ménage avec l’eau Talan, tout le monde sait ça ! » D’accord, elle s’enfonçait toute seule et jouait aux petites rigolotes mais elle ne pouvait pas s’en empêcher, c’était sa façon d’agir qui lui était propre et qui agaçait probablement beaucoup de gens. Talan lui demanda ensuite de lui montrer tout ce qu’elle avait appris sur la théorie et la jeune fille s’était exécutée sans se faire prier. La théorie, elle maitrisait à la perfection et puis elle aimait bien montrer à l’Hawaïen qu’il n’avait pas tout perdu avec elle et qu’il avait au moins réussi à lui apprendre quelque chose. « Ouais… Faut que je te félicite ? Bon, penses bien à tes hanches, ça t’aidera pour l’équilibre. Regarde toujours devant toi… Y a pas de raison que tu te plantes. » D’un instant à l’autre, Bonnie était redevenue sérieuse et acquiesça en essayant de rester un maximum concentrée. Ne pas se planter, maîtriser les vagues, prouver qu’elle pouvait dépasser ses limites, bien évidemment qu’elle devait en être capable, il n’y avait plus aucune raison de se cacher et elle savait pertinemment qu’elle n’avait plus l’occasion de se défiler sans se faire virer par la force par le titan qui lui servait de professeur… Elle fixa intensément son regard sur l’océan, respira un grand coup et se dirigea vers l’eau à une allure plutôt rapide jusqu’à se stopper net lorsque l’eau entra en contact avec ses pieds. Ahem, c’était déjà un bon début, elle avait établi un premier contact avec l’eau. Et bien évidemment, comme Bonnie restait fidèle à elle-même, c’était le moment qu’elle avait trouvé pour faire une séance confession sur l’origine de sa peur de l’eau alors qu’il n’y avait absolument rien qui cassait trois pates à un canard dans son histoire. « T’as fait un rouleau, t’as cru que t’allait mourir ? » Ouais bon d’accord, il cassait carrément toute la surprise là mais en même temps ça ne devait pas être la première fois qu’il entendait une telle histoire. « Alors non, pas du tout. J’ai vécu un traumatisme immense. Tu vois, une fille s’est fait attaquer par un requin, comme dans Jaws mais en plus sanglant et dévastateur. Ah…Et les secours ont mis du temps à arriver parce qu’une tempête faisait rage, puis l’eau était glacée alors beaucoup sont morts. Tu comprends, c’est une triste histoire. » Elle avait beau être une excellente actrice, son histoire n’avait absolument ni queue ni tête et était clairement le mélange de Jaws et de Titanic, elle n’allait tromper personne, elle le savait bien. Devant le regard dépité de son interlocuteur, elle n’avait pas osé en raconter davantage et fixa de nouveau son regard sur l’eau. De là où elle était, elle voyait clairement les vagues qui s’écrasaient bruyamment sur l’eau, puis sur le sable fin, ce qui la fit déglutir péniblement. Elle avait tellement envie de réussir et de vaincre sa peur, mais d’un autre côté elle se sentait réellement impuissante… « Franchement, peu importe ce que tu vas me dire. Si t’as peur à ce point on arrête tout… J’ai d’autres élèves qui seraient plus que ravis de récupéré tes heures. Alors tu sautes dans l’eau, ou alors tu me laisses te jeter à l’eau, ou alors tu replis tes affaires et tu rentres chez toi. » La vérité venait la saisir encore plus violemment qu’elle ne se l’était imaginée. Non, elle ne pouvait pas renoncer et il n’avait pas le droit de l’abandonner à son triste sort. Enfin si, bien sûr qu’il y en avait le droit mais elle ne voulait pas rester sur un échec, elle se l’était interdit et comptait bien tenir sa promesse même si dans les gestes tout prouvait le contraire. « Tu ne comprends pas… » Non, bien sûr qu’il ne comprenait pas, pour lui elle devrait être dans l’eau et non pas sur le sable à étaler  ses états d’âme. Je dois réussir, je dois le faire. » ça, il l’avait bien compris comme s’était lancé un challenge toute seule. « Ne laisse pas me noyer, je n’ai pas envie de rejoindre ma mère. », dit-elle énigmatiquement sans le vouloir avant de se diriger une seconde fois vers les vagues. Et cette fois, elle ne s’était pas arrêtée et avait vraiment franchi le pas. Enfin du mois, elle était assise sur sa planche et brassait les bras mollement vers le danger. Qui sait, avec un peu de chance quelqu’un viendrait la sauver avant qu’elle n’atteigne son pire cauchemar. « THE SAINTS CAN’T HELP ME NOOW ». Telle était sa conclusion.

Bonnie & Talan

Bonnie était le genre de personne qui fatiguait Talan. Elle avait un côté trop heureux, trop perdu, trop… trop. Elle était certes très mignonne. Probablement très sympa aussi. Il ne jugeait pas. Mais elle lui foutait la migraine, franchement. Et il ne savait pas comment agir face à ce genre de phénomène. Bien sûr, il pouvait surement se permettre d’être toujours égale à lui même. Le genre ours des montagnes rustres et pas très agréable. Peut être qu’elle se lasserait. Mais en même temps il était son professeur, il ne tenait pas à se montrer désagréable. Ce n’était pas le but. C’était le problème du métier, de ne pas pouvoir empaler ceux qui te fatigue. Elle n’en était pas à ce point là, mais il était vrai qu’elle l’avait lassé. Il était facile de lasser l’ours. Alors il n’était surement pas objectif. Alors il écrasait. Il arrêtait de faire le con, d’être méchant pour rien. Enfin de penser méchamment. Il n’avait pas l’air de l’être. Il était.. Taquin… Oui… C’était gentil ! Peut être un peu charmant. Ou peut être pas.

Il soupira à la remarque de Bonnie, haussa les épaules. Tout semblait être une vaste blague à ces yeux. Et certes, le surf n’était pas fait pour être quelque chose d’insupportable et de trop sérieux. Mais cela pouvait juste être… Normal. Elle n’était pas normal. Et il avait simplement l’impression qu’elle se foutait de sa gueule. Peut être que c’était d’ailleurs ce qu’elle faisait. Il ne saurait jamais trop. Il n’avait jamais été réputé pour être quelqu’un d’extrêmement lucide, et puis ce genre de personne était assez difficile à comprendre. A tout le temps être dans le rire, on en venait parfois à perdre ses repères.

Lorsqu’elle se permit de faire son intelligente il la regarda avec un air abrutit. Pas abrutit parce qu’elle venait de dire quelque chose qui a du sens. Mais abrutit parce qu’elle avait pensé qu’à moitié. Encre et papier… Vraiment ? Pour une actrice pourtant, il aurait pensé qu’elle y connaissait un rayon en matière d’autographe… Crayon et papier… C’était affreusement banal. C’était même affligeant. « Sur… au dix huitièmes siècles le parchemin et la plume ça aurait été délicat… » siffla-t-il, avant de finir par ajouter. « Mais le marqueur et ma peau, tu devrais pouvoir t’en sortir… Vive le 21ème siècle. » il roula des yeux vers le ciel. « Y a bien des femmes qui se font signer les seins… » Lui signer les pectoraux aurait au moins le mérite d’être sur une chair dur, et pas sur de la graisse. Graisse magnifique, bien sûr, mais graisse quand même. A moins que ça soit du silicone.

Lorsqu’elle finit par lui balancer son excuse, il se demanda jusqu’ou elle irait pour lui raconter des cracs. Il croisa ses bras sur sa poitrine et attendit qu’elle est finit de discourir. Il ne la lâchait pas du regard, et ne semblait pas du tout rire à ses blagues. Oui Talan n’était pas un homme particulièrement drôle. Enfin au premier abords ce n’était surement pas son premier traits de caractère. Il fallait s’y faire. Mais cela dit, elle non plus lorsqu’on regardait de plus près. « hum… » souffla-t-il, sans même forcément remarquer les films desquels elle avait tiré ses histoires. Il avait simplement penser avoir sous les yeux une mythomane en puissance, une cinglé. Il regarda le ciel. « Pas de tempête à l’horizon. » Il agrandit un sourire. « Pas de danger au niveau des requins non plus. » et avec une pointe de machiavélisme il finit. « Et puis nous ne serons que deux… Ca ne fera pas beaucoup de mort ! » Ca n’en fera pas non plus. Ce n’était pas avec son niveau de surf à elle, qu’ils allaient se tuer. « Qu’en t’aura fini de concentrer ton cerveau sur les cracks que tu veux raconter, peut être que t’arrivera à penser qu’il est temps de se jeter à l’eau ! » Non parce que vraiment… Il commençait à crever d’envie de l’y jeter lui même.

Il secoua la tête vainement pour essayer de comprendre cette énergumène. Il était paumé. Il était évident qu’elle se foutait une pression d’enfer, mais il ne voyait pas pourquoi… Le surf était une discipline du cool par excellence, et ce n’était surement pas fait pour tout le monde. Mais elle avait les compétences sportives pour faire du surf… C’était dans le moral que ça ramait. Elle était complètement barge. Néanmoins il l’a vit filer vers l’eau et fut assez impressionné. En même temps il avait été pas loin de lui coller un ultimatum alors c’était surement la seule chose à faire. Il attrapa sa planche et en deux ou trois mouvement il fut à sa distance. « Bon, on passe aux choses sérieuses, ou tu prend la température de l’eau ? » Non parce que c’était important aussi, il ne se foutait pas totalement de sa gueule. Il fallait savoir reconnaître la bonne vague, et il fallait savoir la prendre. « Bon, je t’en montre une, et tu te lances ! » Il disait ça pour la calmer, mais aussi pour pouvoir se détendre un peu. « Ca te laissera le temps de prier tes saints ou je ne sais quelle connerie ! » D’un mouvement extrêmement fluide il s’allongea sur sa planche et fila vers l’horizon, repérant bien vite une vague qui serait parfaite pour lui. Le problème du surf, c’est que c’était plutôt court. Du filait droit vers la vague, te relevait au bon moment t’essayait à quelques figures si la vague était suffisamment bonne et tu arrivais sur la plage. Et il fallait y retourner. Mouillé, il retourna vers son élève, et il souffla. « Allez vas-y ! Prend celle qui arrive ! elle est simple ! » Il lui poussa l’épaule de manière à la coucher sur sa planche et à l’obliger à avancer. Hop là, on arrête de flipper.